Du Douanier Rousseau à Séraphine

On y retourne ! Cinquante ans après Les Maîtres de l’art naïf, organisé par Dina Vierny, le musée Maillol (jusqu’au 19 janvier 2020) présente des œuvres absentes des cimaises depuis des décennies. Voilà donc – pour les amateurs – un monde pour le moins insolite. Des formes et des couleurs qui claquent. Des tableaux fêtards qui brillent dans la nuit de l’art. Une peinture naïve et très figurative. On n’est pas loin de ce que fut l’art pompier soviétique. Mais il en faut pour tous les goûts. Après une première approche mitigée, on s’amuse à se laisser emporter par ces primitifs modernes.

Huit sections pour un voyage particulier. Mais aller dans un musée, n’est-il pas la dernière aventure moderne ? D’ailleurs, on n’est pas ici avec un seul artiste mais entouré d’une constellation de peintres. Certains noms ne vous diront rien. Là n’est pas l’essentiel. Ils sont autodidactes, isolés, hors des circuits. Ils viennent de milieux populaires. Ils n’ont aucune idéologie théorique à imposer. Ils ne veulent pas changer le monde, ils peignent, simplement. Mais ils ont une forte personnalité. Ils considèrent que l’art doit restituer une partie du monde. Ils n’ont qu’une seule prétention : continuer à peindre.

Grâce à l’initiative de Dina Vierny, qui fut le modèle de Maillol et de Matisse, et galeriste dès 1947, on peut aujourd’hui découvrir ces toiles colorées, dont la première section s’impose avec ce Bouquet pour Dina d’André Bauchant. Puis se seront des portraits-paysages d’Henri Rousseau aux fameux personnages minuscules. Viendront les tables magnétiques, natures mortes de Rimbert ou Vivin qui se jouent de la lumière et des ténèbres. Comme s’ils voulaient défier Courbet, ces maîtres naïfs s’attaquèrent aussi à la mer. Peyronnet présente une Vénus moderne sortie de l’eau avec son maillot une pièce, bonnet de bain figé sur la tête, toile glacée à la perspective effrayante… La section 5 renvoie aux plaisir des jours avec des nus de Bombois dans une vision frontale invitant le regard à s’enfoncer vers les plis des fesses ou d’ailleurs… Quand Magritte découpait les corps, Bombois peint l’entre-jambe de son épouse en gros plan ! On file à la section 6 retrouver les bêtes sauvages des Galeries Lafayettes en compagnie de Rousseau qui sature l’espace de plantes surdimensionnées. Viennent ensuite les toiles sur la flore de Séraphine Louis, un monde à soi. Des compositions fantasmatiques de feuilles et de grappes de vigne. Séraphine invente de nouvelles espèces, reconnaissables par leur feuillage en forme de cœur. Enfin s’achève l’exposition par des vues sur la ville, avec Rimbert qui donne à voir un point de vue unique, conforme à la vison en perspective linéaire.

En ressortant, on s’arrête impérativement à la librairie pour garder un souvenir de ce passage dans la centrifugeuse à images. On savourera à la maison le souvenir de la visite en tournant les pages de ce très beau catalogue…

Annabelle Hautecontre

Collectif, Du Douanier Rousseau à Séraphine. Les grands maîtres naïfs, 140 illustrations, 220 x 285, couverture brochée à grands rabats, reliée en chasse courte, Gallimard/Musée Maillol Paris, septembre 2019, 192 p.-, 35 €

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