Désir de Chine, de zen, d'un autre lieu

Il y a la tentation de Venise – dont je suis victime – et il y a le désir de Chine, surtout dans les années 1960-70, cette époque où la déconstruction était à la mode – et dont on mesure désormais toute l’absurdité en subissant les diktats des minorités, le genre, le multiculturalisme, la haine de soi, etc. –, ce jeu de la pensée, défi à l’ordre établi qui allait aveugler les plus éminents en vantant Staline ou Mao – avant de faire une machine arrière digne des plus grands opportunistes de l’histoire, sauf Aragon qui resta droit dans ses bottes à œillères – voilà aujourd’hui que la Chine fait rêver, imagine d’Epinal qui pousse les blasés vers l’Extrême-Orient pour briser les limites du matérialisme. Ainsi pour qui a le dessein de spiritualité, de plénitude, de zen, les stoïciens du XXIe siècle se portent vers les pensées chinoises afin de tenter d’approcher au sublime en oubliant ce mercantilisme outrancier qui nous sape le quotidien et agresse notre esprit à tout instant… 

Puisque lire l’Ecclésiaste ou Wittgenstein n’est plus de mode – quoique – l’on chercher du côté des sages chinois, Yangzhu, Zhuangzi, Lauzi… 
Certains partirent, comme Alexandra David-Neel pour fuir l’ennui, au sens fort, in odium, dans la haine. De ce quotidien, de cette mentalité occidentale devenue médiocre, agressive, revendicatrice, fausse : l’humanité souille la terre, écrit-elle dans son journal. Ô combien nous lui donnons raison, que la Terre serait paisible sans l’Homme, oh oui ! Ce sera donc par la Chine que l’on tentera d’oublier le jeu social, l’avidité, l’ambition, la cupidité, l’envie, l’égoïsme, la vanité… Elle qui se croit morte en déambulant dans Varsovie, en se rendant au Tibet. D’ailleurs, le Livre des morts tibétains, Bardo Thödol, lui donnera raison, affirmant qu’un corps matériel peut continuer à fonctionner alors que son âme l’a déjà quitté. N’est-ce pas cet entre-deux dans lequel nous pataugeons lorque la dépression nous plonge dans les ténèbres, ou que, le cœur brisé, l’on erre comme une âme en peine ? 

Beaucoup de bruit pour rien, disait un dramaturge anglais de génie, prophète lui aussi ; que de vacarme insupportable aujourd’hui porté par quatre-vingt quinze pour cent de voix qui parlent pour ne rien dire ; réseaux sociaux je vous hais ! Que ne savons-nous pas nous contenter de rien, justement, de ce temps long, lent, qui nous offre d’observer la beauté du monde pour suivre l’injonction de Wittgenstein, justement : se taire sur ce dont on ne saurait parler. Laisser l’idéal nous illuminer dans l’éblouissement de son silence, ouvrant au zen… 

Jean-Michel Lou nous invite à une réflexion profonde sur le devenir de l’Homme s’il oublie de regarder en lui, et d’accepter d’être partie intégrante d’un tout, et non l’élu crétin qui superviserait l’univers… Modestie littéraire pour belle âme en devenir… 

 

François Xavier 

 

Jean-Michel Lou, L’autre lieu – De la Chine en littérature, Gallimard, coll. L'Infini, février 2021, 210 p.-, 19,50 €
Découvrir les premières pages...

 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.