Jean-Jacques Schuhl : une bien étrange "autofiction"...

Soudain Schuhl n'a plus à fictionnaliser la réalité, à romanciser son existence. Une hémorragie interne qui a asphyxié un moment le fonctionnement du cerveau va l'obliger à une certaine forme de composition et d'écriture.

Suite à cet accident qui l'envoie d'urgence à l'hopital, tout un théâtre surgit  en des blocs de réalité autonomes, étrangers à moi mais dont je faisais parti". Ils sont parfaitement construits quoique échappant à la maîtrise de celui qui les subit de son propre intérieur. Ces pans de réalité sont souvent menaçants et sauvages. Mais le réel du monde n'en est pas exclu dans le mystère d'une telle création.

Schuhl laisse envoler ces fragments loin de tout effet d'autobiographie et sous couvert d'une autofiction mais d'un genre inédit et qui échappe en partie à son auteur. Il s'agit donc d'un livre d'un "deuxième type" où l'auteur fait de lui-même, à son corps défendant ou obligeant, sous des aspects surprenants, un personnage dont il devient le spectateur et néanmoins l'acteur plus ou moins consentant.

Jaillissent des correspondances secrètes, mystérieuses, qui se sont nouées loin de tout présupposés. La nouveauté littéraire se crée par ce qui est arrivé en absence de tout contrôle. L'écriture lui donne une façon d'éveillé endormi dans cette entreprise de reconstituer "à l’écran" une existence presque volée et qu'une respiration retrouvée permet de faire convoler en juste noce l'auteur avec lui-même.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Jean-Jacques Schuhl, Les apparitions, coll. L'Infini, Gallimard, février 2022, 96 p.-, 12 €

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