La peinture comme un feu est  une rétrospective de l’œuvre au moment où une exposition lui est consacrée, pour ses 110 ans au Musée d’art moderne de Paris avant d’être présentée à Lausanne. La figure de Nicolas de Staël apparaît fascinante dans sa fulgurance, troublante par sa force charismatique  touchant au mythe par son destin.
La monographie commence par l’évocation d’une œuvre au prix d’une vie par le récit de Lambert lorsqu’il racontait la création tumultueuse et le choc de la vision, par l’auteur, au musée d’Antibes.
L’auteur souligne la tension, entre l’existence et la peinture, comme si ce que l’une exigeait était toujours retranché à l’autre. Stéphane Lambert analyse, période par période, ses œuvres majeures. Ce parcours dans la vie et dans l’œuvre confirme la dimension sacrificielle de l’art pour le peintre
La frénésie du travail et les virages imposés à la vie, ont aiguisé la recherche d’un absolu parfois abrupt. Et les nombreuses questions du livre créent une suspension habile de ce qui anime l'œuvre par-delà l’adversité, la volonté d’échapper à la peur et le désir d’un  instinct de survie dans une forme de dépense  (Bataille). Le rapport mystique à la peinture explique également l’isolement et la lutte intérieure de de Stael. Tout un vocabulaire religieux est transposé dans le registre de l’art fait lui-même tant de  transfiguration tonale  que de  l’épiphanie de la lumière  et de transe et un travail de passion. L’auteur s’y est sacrifié toute sa vie en tentant de résister (mal et parfait) à l’abîme.
La démesure qui accompagne le créateur est là. L’artiste va vers la limite, attiré invinciblement par un ailleurs que Stéphane Lambert illustre, nourri par une importante documentation et la consultation de sa correspondance, mais, surtout de l’écriture prête à parier sur des incertitudes comme on jette un caillou dans un puits pour en sonder la profondeur écrit-il.

Jean-Paul Gavard-Perret

Stéphane Lambert, Nicolas de Staël, la peinture comme un feu, Gallimard, novembre 2023, 240 p.-, 42€