Neo Rauch le roi kitsch ou quand l’âne frotte l’âne

Neo Rauch est devenu depuis le début du siècle le peintre allemand le plus recherché et le plus cher. Il a eu droit dans les grands musées de son pays à bien des rétrospectives et se plaint d’être ignoré en France. Les critiques de ce côté du Rhin semblent et non sans raison - réticent à l’œuvre du peintre star formé uniquement dans l’ex Allemagne de l’Est.

Fidèle à la figuration, même si à l’époque le réalisme socialiste y déclinait, l’artiste reste résolument portraitiste et peintre de scènes de genres. S’il connaissait Otto Dix et Kokoschka (élevés au rang de maitre à l’Est) il ignora des peintres tels Richter ou Polke : cela se trahit dans sa peinture du pauvre mais pour nouveaux riches.

Il existe dans le style de l’artiste quelque chose de régressif, une naïveté habile, feinte et nimbée d’onirisme et d’allusions facilement identifiables. Cela permet à tout gogo de se croire intelligent et de se retrouver en terrain connu selon la vieille formule « asinus asinum fricat ».

Cette peinture à l’inverse de l’équidé ne mange pas de pain mais vaut une fortune. L’Allemagne a donc lancé une mode qui a été reprise par les USA : le Metropolitan Museum de New York lui a consacré une exposition personnelle il y a 10 ans et Taschen lui consacra une  première monographie dispendieuse (le tirage de tête à 3 000 euros fut vote épuisé). Bref après génération Baselitz et Richter, puis  Kiefer celle de Rauch est arrivée. S’agit-il pour autant d’une avancée ? Rien de moins sûr. 

Certes le kitsch au kirsch d’immenses toiles plait par un pompiérisme assumé. Et quoi de mieux pour meubler palais et ambassades de princes qui aiment de tels univers factices et hybrides ? Le champêtre médiéval se mêle à des paysages de ruines. Des paysannes à la Breughel croisent des soldats à la Dix, des philosophes leibniziens (ou apparentés)  et des figures de la pop-culture. Le peintre revendique par ce frichti la prise en charge du sens du monde. Voire : tout est plus décoratif que déconcertant. 

Rauch cale à nouveau - plutôt que les décaler - des vieux poncifs au sein de paysages douteux présentés comme  métaphores de son inconscient. Mais les prétendues profondeurs psychiques scénarisées semblent parfaitement surjouées dans un souci évident de plaire en fumigations fort peu souveraines. L’œuvre n’est qu’un ressassement contrôlé des vieux prolégomènes surréalistes. Tout sent le faisandé et les grands marchands allemands se servent d’un tel faux trublion comme une tête de pont pour leurs avancées. Ils ont dans leurs galeries des œuvres plus pertinentes et légitimes que cette figuration factice et facile, populaire et populiste.

Jean-Paul Gavard-Perret

Neo Rauch, « Dromo Paintings », Hatje Cantz, Berlin, 2018, 30 E.

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