Les peintres, illustrateurs inspirés de la Bible

Livre universel, ouvrage fondateur s’il en est dans l’histoire de l’humanité, réunissant des textes autour desquels se rejoignent Chrétiens, Juifs et Musulmans, la Bible accompagne la prière, la réflexion et l’imaginaire de millions d’hommes et de femmes dans le monde qui cherchent les points d’attache entre nature et âme. Traduite, intégralement ou en partie, dans plus de 2000 langues, la biblia, ce qui signifie livre en grec, a inspiré en Occident de nombreux artistes, pour sa poésie, ses préceptes, ses histoires d’amour et de violence, ses chroniques de haine et de pardon, pour sa dimension sacrée et son  sens de la destinée. Peintres et sculpteurs ont puisé largement leurs idées, leurs intuitions, leurs souffles dans ces multiples récits aussi fabuleux que certifiés et les ont en quelque sorte traduits en images qui se sont gravées peu à peu dans la mémoire collective. Les deux testaments, à des titres divers, offrent des thèmes d’une insondable richesse iconographique.

 

Comme il doit être stimulant pour un artiste de tenter de déceler à travers les textes bibliques, que ce soit Le Cantique des cantiques, le Deutéronome, le Lévitique, les Proverbes, les Psaumes, les prophéties d’Isaïe, de Jérémie ou d’Ezékiel, les Evangiles, les  actions héroïques d’Abraham et de Jean Baptiste les sources possibles d’un tableau et de construire à partir des récits les personnages et les lieux. Même les scènes les moins connues ouvrent des champs immenses d’interprétation que chacun au cours des siècles a explorés à sa manière afin de faire partager sa vision d’un épisode pour lequel seuls quelques mots servaient de base de départ. « Dans l'ensemble, les héros de la Bible peuvent appartenir à n'importe quelle classe sociale et leurs expériences sont celles du commun des mortels. En termes très simples, les personnes de toutes les classes, même les plus humbles, peuvent faire des expériences de portée universelle et les actions les plus ordinaires peuvent être le lieu d'une « vérité » qui concerne l'existence humaine comme telle » selon les mots de E. Auerbach.

 

Les confrontations sont passionnantes qui mettent en regard pour un fait identique, des approches divergentes reliées au contexte temporel qui est celui de l’auteur. Ainsi, pour  prendre un premier exemple, est-il intéressant de comparer l’œuvre de William Blake qui propose une Origine du monde (1824) onirique, fantastique, aux couleurs chaudes et impétueuses, avec celle de Giovanni di Paolo, montrant une Création du monde et l’expulsion d’Adam et Eve, (1445), aux tons suaves, équilibrés, ou avec La Création des astres, (1174) mosaïque éminemment spirituelle, baignée de bleus habilement dégradés et ou encore avec La Création du monde telle qu’elle se concevait à la fin du XIIe siècle et qu’une enluminure détaille en huit petits tableaux aussi suggestifs et évocateurs par leur réalisme que par leur innocence. La Genèse est à tous égards un sujet inépuisable qui peut se décliner de bien des manières. Le Tintoret, avec sa fougue et sa liberté de pinceau, compose vers 1550 une Création des animaux audacieuse, dynamique, propulsant sous l’impulsion de la volonté divine dans les airs, sur terre et au fond des eaux un bestiaire qui semble sortir du chaos primitif. 

Pour décrire les acteurs importants ou secondaires et les péripéties merveilleuses ou touchantes qui se succèdent tout au long des millénaires bibliques, les peintres ont déployé leurs talents afin de donner un visage aux acteurs des fastes et des drames relatés dans un style avant tout classique et d’entrevoir comment le déroulement des événements aurait pu être dans leur matérialité. Mais l’ignorant par la force des choses, ils ont dû faire appel à d’autres éléments qui en fin de compte en conservent la part mystique. S’agissant de l’Annonciation, Fra Angelico invente un décor florentin, dresse des colonnades pour abriter la salutation de l’archange à la jeune femme qui écoute avec recueillement le message (vers 1430) tandis que Nicolas Poussin préfère placer le moment de l’annonce devant deux rideaux écartés comme dans un théâtre (1657). Sur une mosaïque du XIIème s. qui se trouve à San Marco, à Venise, la Vierge est sortie chercher de l’eau au puits. Elle écoute, surprise mais attentive, la voix de l’ange qui émerge d’une nuée tandis que selon Carlo Braccesco, peintre originaire de Milan, elle semble effrayée par l’envoyé céleste qui descend de l’azur un lys à la main et trouble son oraison (1480). Pour sa part, Jan Van Eyck choisit de représenter également vers 1430 l’Annonciation dans une église opulente, de vêtir Gabriel d’un somptueux manteau rouge  brodé et d’apporter à cette rencontre un caractère hiératique et forcément nordique. Il est clair que chaque artiste salue ce moment ineffable selon son savoir, son milieu, son tempérament.


Un autre rapprochement dans le temps et le style peut être fait entre le tableau peint en 1640 par George de la Tour, où l’on voit saint Joseph penché sur une pièce de bois qu’il fore avec l’enfant Jésus à ses côtés tenant une bougie qui éclaire les deux visages et celui de Gerrit Van Honthorst, de 1620, qui place dans une attitude similaire l’enfant face à son père terrestre maniant le maillet et la gouge. A l’évidence, le chemin de Croix, le Calvaire, la mort du Christ constituent des faits suffisamment spectaculaires pour que les peintres y  trouvent matière à exercer leur virtuosité. Vers 1587-1589, Le Greco peint un émouvant Christ portant sa Croix, les yeux levés au ciel, marchant seul, alors que Simone Martini, en 1336-1342, dans son Portement de Croix, l’entoure de soldats hostiles et d’une foule dense sortant des murailles de Jérusalem. Même cohorte véhémente chez Jérôme Bosch dans La Montée au Calvaire (1515-1516), qui se réduit cependant à une suite de visages farouches encerclant celui, résigné et douloureux, du condamné. Le Dominiquin, dans un tableau au titre similaire, exécuté vers 1610, retient le côté pathétique de l’instant mais accentue la chute de Jésus en donnant à chaque personnage des mouvements dynamiques qui prennent directement à témoin le spectateur.   


Depuis la fin de l’Antiquité, versés par l’enseignement transmis dans la compréhension des textes bibliques, les connaissant souvent dans les détails, sachant recourir aux allégories pour en expliciter encore davantage les symboles, plus tard lecteurs assidus quand l’imprimerie les diffusa, les  peintres ont été les traducteurs avisés et admirés des plus belles pages de la Bible. A travers leurs tableaux, croyants et non croyants ont pu mieux pénétrer et se repérer dans ce foisonnement de héros, de guerriers, de saints, de rois, de traitres, de femmes vertueuses et de courtisanes, suivre le peuple hébreux dans sa marche dans le désert, frémir avec Daniel dans la fosse aux lions, voir Noé raillé par Cham, applaudir Judith dans son combat contre Holopherne, approuver le jugement de Salomon, se familiariser avec les paraboles et les miracles, célébrer le retour du fils prodigue en regardant les œuvres de Rubens, Rembrandt, Giorgione, Luini, Grünewald, Mantegna, Raphaël, Tiepolo, Delacroix, Chagall et tant d’autres dont leurs œuvres ont participé aux élans de dévotion et aux discours théologiques.  


Pour illustrer cet ouvrage qui compte 700 œuvres en rapport avec tous les chapitres du Livre des livres, environ 220 artistes appartenant à toute l’histoire de l’art religieux, depuis le Moyen Age et la Renaissance jusqu’au XIXème siècle, ont été retenus. Des notices accompagnent les événements, rendent ce livre accessible et séduisant et en font un guide à la fois historique et artistique.

 

Dominique Vergnon


Chiara de Capoa, Stefano Zuffi, Le Livre d’or de la Bible, Hazan, coll. "Beaux-arts", janvier 2013, 17,3x25,5 cm, relié cartonné, 504 pages, 650 illustrations, 29 €   

Sur le même thème

1 commentaire


je trouve ça assé bien comme car on trouve souvent se que l'on recherche. ce cerai bien de mettre la date de réalisation des livres