Rome aimante les arts

Depuis sa fondation, autour de 750 av. J.C. selon les mythes, la ville n’a cessé de séduire le reste du monde d’alors, dont les limites coïncidaient justement avec celles de l’Urbs, la majuscule suffisant à identifier Rome par rapport à toutes les autres cités connues, qui n’avaient droit qu’à la minuscule. Au long des millénaires et des siècles, une attraction universelle jamais démentie s’est alliée à une déclaration d’amour planétaire jamais épuisée.

Comme le signale l’auteur, Roma en latin se lit à l’envers Amor. Un mot qui résume tout ou presque de ce lien inaltérable et qui à peine modifié, rapproche entre elles trois langues latines ayant une identique racine, amor, amore et amour. Si à notre titre, on enlève le i dans aimante, on reste avec l’adjectif amante qui est une autre manière de traduire cette passion commune envers la beauté faite ville et de la célébrer avec respects, comme toute amante aimante les hommages.
Jacques Chardonne écrivait dans L'Amour, c'est beaucoup plus que l'amour que Rome a toujours été ravagée par les barbares ou par les architectes. Mais il reste une bien belle ville…

C’est avec de semblables yeux de ferveur que Laurent Bolard nous propose de visiter Rome. Il s’adresse directement au lecteur et chemine avec lui, tôt le matin, tard la nuit comme pour l’inviter à déployer page après page l’ample éventail des ruines, des fontaines, des palais, des collines, des églises et des trattorie.  

Dans cette anthologie où deux des plus insignes arts se croisent et s’illustrent mutuellement, l’art d’écrire et l’art de peindre, les mots et les représentations nous font parcourir la ville au fil du temps et des styles. Départ possible, le Forum vu du Campo Vaccino dans la douce lumière de Turner, arrivée éventuelle la Fontaine de Trevi, murmurante des éclats de l’eau de Colin Campbell Cooper, un peintre impressionniste américain.
Entre ces deux repères ancrés dans les mémoires et les circuits, toutes les haltes sont offertes au choix de chacun, c’est-à-dire à sa curiosité, celles que décrivent Horace Vernet, Corot, Canaletto, Claude Lorrain, Panini, Maurice Denis, Fragonard. Une galerie de merveilles prises à la réalité et déposées sur les toiles par les talents de ces maîtres qui peignaient en ayant en tête les mots d’autres maîtres, Goethe, Montaigne, Suétone, Zola, Pline l’Ancien, Chateaubriand, Julien Gracq, Henry James.

Pour compagnon de marche, il y a ces fragments de textes, ces lectures propres à éclairer les pierres d’un monument, les délices d’un jardin, les animations d’un marché aux poissons et le repas partagé dans une osteria. Entre les mots et les images, les correspondances semblent naturelles, les évocations voisines, les rapprochements évidents.
Du Panthéon au bord du Tibre et du Colisée à la villa Borghèse, les échos de l’histoire et les nuances des couleurs résonnent et s’annoncent. Liberté des itinéraires, liberté des lectures, il y a toujours derrière chaque promenade et chaque tableau, un même désir de vivre auprès de l’âme de cette ville.
 

Dominique Vergnon

Laurent Bolard, Rome des peintres et des écrivains, 130 illustrations, 185 x 230 mm, Hazan, octobre 2021, 240 p.-, 29,95 €

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