La galerie des impressionnistes

Ils sont tous là, célèbres, connus dans le monde entier, maîtres incontestés de ces noces à la fois réitérées et fugitives de l’air et de la neige, de la vibration des arbres et des herbes, des reflets du soleil et de l’eau, des gestes et des regards, des labeurs et des plaisirs. Ils sont chacun à sa manière les re-créateurs sur la toile des miroitements et des contrastes de la lumière, les admirateurs inconditionnels et fidèles d’une nature qu’ils aiment dans sa plénitude et ses humeurs, de saison en saison, célébrant les instants d’union éphémère autant que le moment de leurs dissolutions.

Il faut les voir aussi comme les observateurs des scènes de famille, des jeunes femmes et des enfants, de l’animation d’un lieu parisien ou provincial. Ils deviennent de ce fait les témoins des promenades, des sorties de canotage, des boulevards et des gares, des bals, des soirées au théâtre, les acteurs présents au plus près de la vie quotidienne. Pinceaux à la main, ils traduisent pour l’œil ces spectacles en apparence communs auxquels ils donnent une dimension agrandie, intensifiée.

 

Voici Renoir et sa facture douce, Monet et ses motifs sans cesse traqués, Pissarro livrant ses sensations, Sisley à la recherche des effets, voici encore Caillebotte en souverain des perspectives, Manet et Degas bien sûr, Cézanne évidemment avec sa perspective géométrique chamboulée, voilà Guillaumin présent dès la première heure, le jeune Bazille trop tôt disparu, et aussi Mary Cassatt adepte de cadrages audacieux et Berthe Morisot, alliant grâce et finesse. Artiste après artiste, côte à côte ou séparément, ils se confrontent au réel, ils voyagent à la campagne et au bord de la mer, ils aiment les notations rapides, ils posent leurs touches avec la célérité exigée par la provisoire de toute chose, ils expérimentent sans fin les nuances des couleurs, ils sortent quel que soit le temps qu’il fait pour saisir l’atmosphère qui règne.
Tous proposent au regard une sorte de nouvelle esthétique. Se libérant des règles d’hier, ils se lancent dans des combinaisons qui semblèrent audacieuses pour certains critiques d’alors mais qui finiront par les séduire. Ils imposent des visions et des perceptions jamais trouvées et ressenties avant eux. Le paysage était un genre mineur pour l’Académie, ils en feront un thème majeur de la modernité. Après eux, l’art ne sera plus comme avant, ils signent une seconde Renaissance aussi magistrale que la précédente.

 

Au total, 55 tableaux considérés comme des essentiels par l’auteure sont présentés dans cet ouvrage. Un choix qui pourrait se discuter. On aurait pu retenir d’autres toiles en fonction d’autres critères. 
Dans cette sélection, les artistes sont inégalement traités puisque Monet domine de loin, Renoir venant en second, Sisley est en retrait, Cézanne et Degas avec peu d’œuvres paraissent presque secondaires sinon absents. L’important à l’évidence pour Valérie Mettais, historienne de l’art et qui a de nombreux livres sur les peintres et la peinture à son actif, n’est pas là. On peut penser qu’en suggérant ces clés de compréhension, son but est de fournir au lecteur celles de l’affection. Chaque œuvre fait l’objet d’un commentaire ou d’une explication et beaucoup s’agrémentent de citations.
Point très appréciable, la chronologie suivie dans cette galerie permet de suivre l’évolution des approches, des manières et des styles. Entre 1862 et 1926, c’est l’ensemble du mouvement impressionniste et la succession des générations de peintres qui est déployé, leurs aspirations, leurs limites, les apports individuels.

En introduction au livret, quatre pages donnent quelques repères pour entrer dans la série des tableaux qui les suivent. Autre avantage, la manière dont sont visibles les tableaux, dans un format augmenté, offrant de ce fait une vision globale et détaillée.
On peut remarquer notamment une œuvre peu connue de Renoir, exécutée en 1888-1889, La Montagne Sainte-Victoire, appartenant à la collection Katherine Ordway, Yale University Art Gallery. La comparaison avec Cézanne davantage dans un forme d’absolu face à cette montagne, solitaire et inquiétante comme une bête aux aguets, une bête aux flancs abrupts tapie là, dans son haut repaire enrobé de lumière, comme l’avait écrit Edmonde Charles Roux, est intéressante.
Cet ouvrage est publié au moment où s’ouvre l’exposition Le décor impressionniste. Aux sources des Nymphéas, au musée de l’Orangerie, jusqu’au 11 juillet 2022.
 

Dominique Vergnon

Valérie Mettais, L’Impressionnisme, l’essentiel (coffret), 184 x 257 mm, éditions Hazan, mars 2022, 192 p.-, 35 €

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