Au Japon, la saison des feuilles d’or

Autant que le printemps qui célèbre les beautés de la nature renaissante, l’automne au Japon les exalte. Mais cette fois dans un autre registre de couleurs, celles qui annoncent le repos hivernal. Ces deux temps majeurs de l’année, ces deux saisons moins que jamais rivales ou opposables rythment la vie de l’archipel, l’une comme l’autre apportant à l’écoulement des jours ces touches poétiques et ces regards admiratifs qui attirent partout les foules.
Les artistes autant que les écrivains n’ont pas manqué d’être sensibles aux charmes de leur passage, tentant de fixer par des mots et des images leurs présences éphémères.
L’automne arrivé, le waka, qui serait l’ancêtre du fameux haïku, dit en quelques mots bien pesés ce que l’estampe décrit en quelques effets très spectaculaires. Le vent qui est plus frais, la rosée qui apparaît le matin, la stridulation des grillons qui succède aux chants des cigales, le brame du cerf,  le passage des oies sauvages ou encore l’apparition de la lune d’automne écrit Anne Sefrioui, sont parmi de nombreux autres les signes de ce changement radical.
Vient alors ce ravissement qu’offre une nature jamais avare de prodigieux assemblages, le rougeoiement des érables qui va en quelque sorte embraser les paysages. Les chrysanthèmes à leur tour illuminent et empourprent de leurs teintes les parterres et les jardins. Les chênes puis les ginkgos interviennent aussi dans cette féérie passagère, suffisamment puissante pour que les yeux en soient durablement imprégnés.
Tous les grands maîtres de l’estampe ont saisi à leur manière cette éclosion de lumière, utilisant la gamme presque aussi infini que celle de la nature des tonalités des couleurs afin de rendre la moindre nuance des feuilles. Hokusai, Hiroshige, Toshi Yoshida, Ogata Gekko, Utagawa Kuniyoshi, Ohara Koson, Gyozan, et tous les autres dont les noms figurent dans cet élégant ouvrage ont traité de ce sujet ouvrant à de multiples représentations : les feuilles dans les enclos des temples, les activités humaines qui se poursuivent dans l’espace où un arbre agite des branchages, les animaux qui volent autour des cimes, les chasseurs qui battent la campagne, les pluies déjà froides et les chutes des feuilles, les instants où l’on contemple une scène pastorale, les paysans qui travaillent aux récoltes.
Dans le livret qui accompagne le coffret où se déploie le long accordéon qui reprend une à une les quelques soixante-dix estampes qui ont été choisies par l’auteure, on peut lire quelques poèmes aussi charmants que séduisants. Ils rendent compte de la passion des poètes pour la saison tout comme ces délicates illustrations témoignent de la virtuosité des peintres à traduire en quelques lignes les mouvements et les splendeurs de la végétation.
Si la floraison des cerisiers commence dans le sud et remonte vers le nord, celle de l’automne est inversée, elle part du nord et descend vers le sud, ce qui fait que le pays s’est couvert d’un habit de brocart. Une à une ces pages relatent cet éventail de couleurs allant du rouge au carmin, de l’amarante à l’écarlate, du vermillon et du mordoré à l’incandescent, dans des camaïeux infinis. La douceur estivale qui s’achève est dorénavant remplacée par la mélancolie automnale, mais ses feux d’artifice visuels réchauffent.

Dominique Vergnon

Anne Sefrioui, L'automne par les grands maîtres de l'estampe japonaise, 118 illustrations, 172 x 246 mm, Hazan, septembre 2023, 118 p.-, 35€

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