Vincent Van Gogh, les étoiles et le semeur

Il faut une certaine dose d’inspiration, de rayon d’en haut qui n’est pas à nous, pour faire de belles choses, écrit Van Gogh à son frère Théo en février 1890Des mots simples, vrais, sincères. Ce rayon d’en haut, c’est celui qui lui fait lever les yeux vers le ciel, celui qui relie dira-t-il plus tard, les points lumineux du firmament. Il y a comme deux grandes lignes qui orientent la vie de Vincent Van Gogh, une foi profonde qui le pousse un temps à vouloir être prédicateur, un goût irrépressible pour les beautés de la création qui va l’entraîner vers la peinture. Page après page, ses écrits témoignent de ce double attachement.
Pour comprendre la vie et l’œuvre de l’artiste, relier ces deux vecteurs qui sont l’armature de ce parcours lumineux et dramatique est nécessaire. Tant sur la nature que sur les êtres, il a posé un regard aussi admiratif qu’humain. Dans toutes ses œuvres en effet, apparaissent clairement ou affleurent en tous cas ces deux constantes.
Ses portraits, celui de Madame Augustine Roulin (La Berceuse, de 1889), du Docteur Félix Rey, de Madame Ginoux (L’Arlésienne, 1888) sont frappants par leur intériorité et la proximité que l’artiste veut marquer avec les personnes.
Quant à sa perception des arbres, des fleurs, des paysages, même d’une terrasse de café ou du couloir de l’hospice Saint-Paul, elle est baignée de chaleur, de douceur, d’une intensité que les couleurs traduisent toujours, sans rien qui ne soit valorisant. Van Gogh est manifestement, spontanément bienveillant, attentif, généreux, s’efforçant de magnifier par les détails la richesse et l’exubérance de ce qu’il voit. Ce qui n’exclue pas les émotions non contenues, ce caractère colérique, obstiné, rebelle même.
Et ce questionnement sur sa propre identité, qui le pousse à s’analyser à travers son propre visage : en dix ans, plus de quarante-trois autoportraits peints ou dessinés, indique l’auteure.

La nature austère et froide du Brabant septentrional sur laquelle il a ouvert les yeux à sa naissance trouvera dans la chaleur et la vive clarté de celle du midi une enivrante compensation. On pense à Arles et sa haute note jaune, selon les mots de Vincent.
Là aussi, un double ancrage pour son regard. Du Borinage à la Provence, Van Gogh puise dans la nature et les gens toutes les ressources et les inspirations de son existence et de ses tableaux.
Ancré dans la terre et attiré par le ciel, Le Semeur, inspiré de celui de Millet, est un thème sur lequel il revient. Il est le paysan qui plante des graines dans l’espoir de les voir fleurir un jour et l’acteur de la parabole, un motif à la fois réaliste et hautement symbolique… une image du cycle de la vie, du temps qui passe, une célébration de la nature féconde note Anne Sefrioui.

Isabelle Cahn, historienne de l’art, conservatrice en chef des peintures au musée d'Orsay, estime que sa peinture est l’expression de sa liberté. Tout y est juste, sans conformisme, et chaque tableau dégage une aura particulière. La fascination qu’exerce cette peinture ne peut pas toujours s’expliquer, mais elle agit en profondeur.
La Haye, Londres où il remarque les œuvres de Turner, Constable, John Everett Millais de la période préraphaélite, Paris, le Borinage, Saint-Rémy, Auvers-sur-Oise, la vie de Van Gogh est une errance subie plus que choisie. Jusqu’au vertige ainsi que l’écrit Anne Sefrioui dans ce très bel ouvrage qui sort au moment où se tient au musée d’Orsay une grande exposition consacrée aux deux derniers mois de l’existence de l’artiste. 
À Auvers, il est traité par le docteur Gachet, spécialiste de ce qu’on appelle alors la mélancolie, également graveur et collectionneur, en relations avec Monet, Cézanne, Renoir, soucieux de soulager du mieux qu’il peut Vincent. Manifestant une évidente affection pour lui, le portrait du médecin exécuté en 1890 est dominé par bleues dont les nuances sont éloquentes de finesse et de subtilité.
Dans ce lieu enserré par la campagne, Van Gogh va exécuter 74 tableaux et plus de trente dessins. Eh bien vraiment, nous ne pouvons faire parler que nos tableaux écrit- il à son frère. Et mon travail, moi, j’y risque ma vie et ma raison. La folie, peut-être le désespoir sans aucun doute, mais la passion et la lucidité assurément.    

Dominique Vergnon

Anna Sefrioui, Van Gogh, coll. L’Art plus grand, 85 illustrations couleur, 220x270 mm, Hazan, octobre 2023, 172 p.-, 39,95 €

 

 

 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.