Le jour des Barbares : la bataille d'Andrinople - 9 août 378

Alessandro Barbero est un historien italien, spécialiste d’histoire médiévale et romancier. Il nous propose ici un ouvrage original sur une bataille inconnue du grand public : Andrinople, le 9 août 378.


De pauvres immigrés dans un empire ouvert et debout.

Avec une clarté que beaucoup pourraient lui envier, Barbero décrit l’empire romain au IVe siècle ; un empire centré sur la mer Méditerranée, partagé entre une domination latine à l’ouest et une prédominance grecque à l’est. La « décadence romaine » est une constante de la réflexion occidentale, comme d’autres avant lui, notre historien la relativise. Tout d’abord, l’empire a réussi à se maintenir après les moments difficiles du IIIeme siècle. Les usurpations de pouvoir par les généraux et les attaques des barbares ont été contenues dans une limite non-mortelle. Par surcroît, les barbares sont une donnée essentielle de la richesse romaine. On doit davantage les voir comme une immigration salutaire que comme une invasion destructrice. Rome a besoin de soldats et de main d’œuvre à bas prix et ce sont de pauvres bougres qui se bousculent aux frontières pour manger. Sa civilisation est dominante, il y a des barbares à de hauts postes mais ils sont parfaitement romanisés et plus d’un entretient une correspondance avec des philosophes de haut vol. Le IVe siècle voit l’empire se transformer, il devient peu à peu chrétien après le règne de Constantin. Il n’est pas en déclin d’un point de vue intellectuel ou moral. C’est l’époques des Pères de l’Eglise comme Saint Jérôme ou Saint Ambroise.

Les Goths : un peuple dépendant

Au delà du Danube vivent les Goths. Depuis longtemps cette population a des relations avec les Romains. On peut même dire qu’ils sont devenus dépendants des subventions et distributions de l’empire. Ils sont accoutumés à servir dans les légions à titre d’auxiliaires voire à se fondre dans l’empire. Ils ont absorbé, au moins les chefs,une bonne partie de la culture gréco-romaine, ils sont chrétiens mais de l’hérésie arienne, bref ce ne sont pas des brutes en peaux de bête, complètement abrutis ! Beaucoup d’entre eux sont devenus esclaves et rare est la villa qui n’a pas ses Goths, surtout après 369 où les Goths ayant choisi de soutenir un usurpateur, l’empereur Valens leur coupe les vivres et réduit nombre d’entre eux à accepter l’esclavage par nécessité.

Une catastrophe humanitaire

C’est une catastrophe humanitaire qui est à l’origine de la bataille d’Andrinople. Les Huns surgissent sur les arrières des Goths. Leurs violences sont telles que les pauvres malheureux s’agglutinent sur les bords du Danube et supplient les Romains de les laisser entrer. Valens accepte ces populations économiquement utiles… Mais bientôt l’administration romaine est dépassée par la masse des réfugiés. La corruption, l’incompétence et le trop grand nombre font dégénérer la situation. On ne tient pas les promesses de nourriture et d’établissement qui ont été faites. Devant Marcianopolis les Goths se révoltent quand les autorités de la ville refusent de les laisser entrer faute d’avoir prévu de les nourrir.

La catastrophe d’Andrinople

Dès lors c’est l’enchaînement de la violence, pillages, assassinats… Une première armée romaine, trop sûre d’elle, est vaincue alors que les Goths, effrayés par leurs exactions se repliaient vers le Danube. Cette défaite encourage les barbares à vivre sur la Thrace. Ils évitent les villes car ils n’ont aucun talent de poliorcétique.

L’empereur d’orient Valens se décide à venir d’Antioche pour mettre de l’ordre. Lui aussi pèche par vanité. Il n’attend pas l’arrivée des troupes de l’empereur d’occident et le 9 août 378 se fait écraser sous Andrinople par les Goths. Il perd son armée et sa vie. Il y a une suite, mais c’est l’empereur Théodose qui la joue. Il finit par intégrer les Goths à l’empire mais cette fois en groupe ethnique cohérent. Alors qu’autrefois tel barbare quittait définitivement la peau de bête pour la toge, aujourd’hui il la remet en riant lorsqu’il sort du sénat… C’est une évolution qui a fini par aboutir à une rupture dont la bataille d’Andrinople est le symbole, une autre date d’entrée dans le Moyen Age en somme…
    
Un livre instructif et d’actualité dans un style très agréable.


Didier Paineau 

Alessandro Barbero, Le Jour des Barbares, Flammarion, "champs histoire", septembre 2010, 8 euros

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