"Les Hohenzoller, la dynastie qui a fait l'Allemagne"

Après l’histoire des Habsbourg, celle de la Bavière, celle de la Hongrie ou encore celle des chevaliers teutoniques, l’historien spécialiste de la Mitteleuropa Henry Bogdan se plonge cette fois dans la dynastie des Hohenzollern, des origines à la chute, tentant ainsi d’esquisser ainsi les destinées mêlées d’un pays et d’une famille. 

Prenant comme point de départ les origines relativement obscures de cette famille, avec ses multiples branches et les intérêts qui les opposent ou les unissent, Bogdan rappelle dès le départ que l’Allemagne n’était, au XIe siècle, qu’un ensemble hétérogène composé de plusieurs territoires gouvernés par des familles qui passaient leur temps à comploter avec ou contre le très haut représentant du Saint Empire Romain Germanique.    Dans ce monde profondément divisé, rien a priori ne destinait les Hohenzollern à devenir la puissance que l’on connaît. Eux-mêmes n’échappaient pas aux conflits internes puisqu’une partie catholique dominait les riches territoires du sud,  tandis qu’une branche protestante, elle, dominait les désespérantes terres du nord. Et c’est pourtant essentiellement grâce à cette dernière que l’Allemagne a pu se construire. Car des grands souverains allemands qui restent bien ancrés dans la mémoire collective européenne, tous sont des Hohenzollern du nord. Frédéric Ier, Frédéric le Grand, Guillaume Ier et le très fameux Kaiser Guillaume II aidés de Bismarck… ce sont eux qui, avant 1918 et l’avènement de la république, ont donné à l’Allemagne une puissance, une unité, une réalité.  

Insistant sur les tendances militaristes prussiennes, Bogdan passe toute la dynastie en revue, prenant soin d’en remettre (un peu) ses membres et leurs actions dans leur contexte. Le fonctionnement des élections du « saint » Empereur, les grandes épidémies, les troubles religieux, l’influence progressive et déterminante de Luther sur les Hohenzollern du Brandebourg… l’historien dépeint cette famille et l’Europe dans laquelle elle a évolué par très petites touches, avant de se concentrer plus longuement sur quelques personnages. Ainsi, on passe de ce qui s’apparente à de pure la description généalogique et soporifique à un traitement plus en profondeur de Frédéric Ier et de son organisation militaire, de Frédéric II avec ses ambitions guerrières et sa conception des Lumières, de Guillaume Ier et de son rôle dans l’unification allemande aux côtés de Bismarck, et de Guillaume II, enfin, que l’historien tente de réhabiliter dans l’esprit du lecteur. 

Certes, nous sommes certainement plus documentés sur les Frédéric et les Guillaume mentionnés plus haut que sur leurs prédécesseurs et il semble donc tout à fait normal que les passages qui leur sont dédiés soient un peu plus fouillés. Certes, le titre de l’ouvrage l’annonçait : il s’agit ici de la dynastie Hohenzollern. Il n’était pas question de disserter sur la construction allemande en tant que telle, encore moins sur le peuple allemand… ces derniers sont évoqués au travers du prisme des souverains Hohenzollern et cela semble bien suffisant quant au projet d’Henry Bogdan. L’auteur respecte très certainement le cahier des charges qu’il s’était lui-même fixé mais ne semble pas penser à son public : entre l’avalanche de considérations purement dynastiques, celle de termes qu’il ne prend pas soin d’expliquer (tout pékin moyen est-il censé connaître les concepts de margrave, burgrave, hussites, taborites, welfs… dans toutes leurs nuances ?) et une langue un peu désuète qui pourrait laisser penser que son ouvrage est empreint de nostalgie monarchiste… Bogdan perd malheureusement le lecteur, même si ce dernier avait ingurgité auparavant des pages et des pages d’histoire de l’Europe centrale. C’est sans doute l’écueil traditionnel du spécialiste qui tente de mettre son domaine d’étude à la portée du petit peuple.   

Le fait est que l’auteur est fidèle, même maladroitement, au projet qu’il avait entrepris : vulgariser l’histoire d’une famille historique, faire une grande fresque dynastique en 360 pages. Mais on arrive, au terme de l’ensemble, quelque peu écoeuré par cette brochette de personnages un peu ternes et qui semblent pour la plupart trop peu exploités. Le grand intérêt de ce livre réside sans doute dans l’aperçu qu’il donne de quelques personnages (qui, dans toute leur originalité (Frédéric I et II) ou leur génie (Bismarck), prennent un peu plus de relief dans cet univers austère), poussant ainsi à se diriger vers des ouvrages un peu plus spécialisés.    


Matthieu Buge

Henry Bogdan, Les Hohenzoller, Perrin, mars 2010, 406 pages, 25 € 


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1 commentaire

ne pas oublier le "n" de hohenzollern