"Pompée", l'Alexandre romain?


Un inconnu ?

Cette biographie d’Eric Teyssier permet d’éclairer la figure de Pompée, véritable perdant de l’histoire, rejeté dans l’ombre par la gloire de son vainqueur, Jules César, qui le battit à Pharsale en 48 avant notre ère. Pompée est l’archétype des imperatores, grands chefs politiques et militaires romains qui apparaissent dans le dernier siècle d’une république romaine déchirée par le conflit entre populares (aristocrates partisans d’une réforme de la société en faveur des droits du peuple romain) et optimates (partisans du maintien des prérogatives de l’oligarchie sénatoriale). Issu de l’ordre équestre –le 2nd ordre de la société romaine derrière le sénat, Pompée est un riche propriétaire terrien du Picenum qui lors de la guerre entre Marius - puis Cinna- et Sylla, choisit de se mettre au service de ce dernier. Sylla reconnaît en lui l’étoffe du grand chefmilitaire et, après lui avoir accordé le droit de faire un triomphe dans Rome (au nom de ses victoires dans les guerres civiles) se méfie de son ambition. De fait, Pompée ronge son frein après les réformes syllaniennes qui restaurent les prérogatives du sénat. Cela n’empêchera pas un brillant parcours et son échec final.


Un grand général…


Eric Teyssier montre très bien que Pompée, courageux combattant, était un très bon entraîneur d’hommes et un bon tacticien. La liste de ses victoires est impressionnante : contre les marianistes de Sertorius en Espagne, contre les esclaves de Spartacus, contre les pirates établis en Cilicie (Turquie actuelle),contre le roi Mithridate du Pont (éternel ennemi de Rome que même Sylla n’avait pu que contenir)… Il organise aussi de nouvelles provinces (Cilicie, Syrie), impose le protectorat romain à la Judée (qui devient un royaume client) et consolide la puissance romaine en Orient. De fait, il ne reste désormais plus que les Parthes pour contester l’hégémonie aux Romains. Son prestige est alors à son zénith, ses soldats l’adulent et sont prêts à le suivre littéralement jusqu’au bout du monde. Comme tous les imperatores, Pompée a voulu imiter Alexandre le Grand mais il est le seul à avoir réussi en Orient à marcher sur ses traces.En 60 avant Jésus-Christ, il célèbre un nouveau triomphe de orbi universo (sur le monde entier) qui démontre sa gloire de conquérant et consolide sa popularité auprès du peuple romain. Pour rien ?


… mais un piètre politique


Dans la carrière de Pompée, c’est ici que le bât blesse particulièrement si on le compare à César . La force de l’ouvrage d’Eric Teyssier est de pointer les contradictions politiques de Pompée. Pratiquement, il fait figure d’homo novus, n’appartenant donc pas à la vieille aristocratie romaine. Il devient consul sans passer par le cursus honorum traditionnel, son comportement, parfois provocant selon les traditions, est dicté par son ambition. Mais, dans le même temps, cet « Alexandre romain », une fois qu’il est en mesure d’exercer le pouvoir, ne réforme pas la République. Il veille bien sûr à ce que le sénat ratifie les lois dotant ses vétérans en terres et s’associe dans le cadre du premier triumvirat à Crassus et surtout César – dont il contribue du coup à asseoir l’influence- pour obtenir des avantages. A la tête d’un vaste réseau de clientèle – comme tout grand aristocrate romain- Pompée n’a cependant pas de projet politique et n’arrive pas à se penser hors du cadre républicain dans lequel il s’inscrit culturellement. C’est là tout le paradoxe de Pompée, sa grande faiblesse par rapport à César qui, lui le patricien de bonne famille -et génial stratège politique-, n’hésitera pas à entrer en guerre contre le sénat. D’où un héritage en creux dans une Méditerranée qui passe alors sous domination romaine - domination qu’il a pourtant largement contribué à asseoir. Notons qu’Octave, le futur Auguste, petit-fils de César, était également apparenté à la famille de Pompée : il saura achever l’œuvre des deux imperatores.


Merci à Eric Teyssier qui, par cette biographie, permet de (re)découvrir cette grande figure romaine.


Sylvain Bonnet


Eric Teyssier, Pompée, Perrin, février 2013, 432 pages, 24 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.