Mon père, Robert Boulin, Ministre assassiné

À l'occasion de la parution de son ouvrage, Le Dormeur du Val, à propos de l'affaire Robert Boulin, son père, premier ministrable « suicidé » dans une flaque d'eau, Fabiene Boulin-Burgeat a reçu pour évoquer les aléas de cette affaire interminable. Avec une retenue et une dignité qu'honore 31 ans d'un combat pied à pied contre la Justice et ceux qui la manipule sinon la contourne, Fabienne Boulin-Burgeat entend ne rien lâcher. 


— Avez-vous subis des pressions pour interdire la parution de votre livre ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Absolument pas, plus je monte au créneau plus on me voit et moins j'ai de pression. En 83, j'ai eu de grosses pressions pour ne pas porter plainte, ensuite occasionnellement comme je le raconte dans mon livre : Le Dormeur du Val  mais plus maintenant. A l’époque, des pressions de la part de l'Elysée, de députés, d'amis… ainsi que des atteintes plus directes comme les vols, mon sac à main arraché, les freins trafiqués, des écoutes plus ou moins légales… Mais je sais qu’aujourd’hui les pressions et tentatives d’intox continuent de s’exercer sur les journalistes et les témoins.


— Votre avocat, maître Morice, a-t-il relu votre livre pour éviter les mises en cause, malgré le poids sinon des accusations qu'il porte du moins des questions qu'il force à se poser ?

Fabienne Boulin-Burgeat. C'est un travail de sept mois, au cours desquels je n'ai fait que ça. Mon avocat ne l'a pas lu, c'est le service juridique du Seuil qui l'a relu. Il m'a d'ailleurs appris que certaines personnes bénéficient du « droit à l'oubli » (par exemple la dame qui a détruit les poumons au laboratoire de médecine légale, et que je ne peux pas citer), ils ont donc ouvert un parapluie pour me protéger.


— Oui, vous protéger, car votre livre est un brulot qui pourrait « faire sauter la République ». Vous n'avez pas assez d'éléments pour livrer les noms des assassins, publiquement attaquer ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Si je les livrais aujourd'hui, demain matin je serais en prison. Les salopards ont déjà fait assez de mal à ma famille, j'ai assez donné. Je ne suis pas kamikaze. C'est trop dangereux. Et il y a des principes, on n'accuse pas quelqu'un comme ça, c'est à la Justice de faire son travail. C'est tellement énorme cette affaire ! On voit bien la collusion entre la police judiciaire, le parquet, et le pouvoir politique. La Cours Européenne des Droits de l’Homme ne cesse d’ailleurs de condamner la France pour cela. Une République et une Démocratie qui donne des leçons de démocratie au monde se doit d'être exemplaire. Il y a encore du travail...


— Comment expliquez-vous que des langues commencent à se délier ? le relâchement des pressions ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Le gendarme qui vient de donner son témoignage au journal 20 Minutes, a été interrogé par un jeune journaliste et donc il a parlé. Ce sont des témoins clés à qui on n'a jamais rien demandé. D’autres témoins voudraient parler et être relevés de leur obligation de réserve. Il faudrait qu'un juge d'instruction recueille leur témoignage et lève cette obligation. Plusieurs pompiers  et des policiers m'ont exprimé leur désir d’être entendu par un juge indépendant du pouvoir exécutif , ils parleraient, mais personne ne leur demande rien. Ce qu'ils ont à révéler n a  pas l’air d’'intéresser pas la Justice.


— À votre avis, les commanditaires sont à quel niveau ?

Fabienne Boulin-Burgeat. C’est à la justice de le dire. Deux personnes demandent à être reçues par un juge pour donner, disent elles, les noms des deux commanditaires et d'une organisation. Quel est l'assassin capable d'arrêter une autopsie, de faire voler et détruire des poumons déposés à titre de scellé, qui est capable d'envoyer un procureur général sur les lieux du crime pour mettre en place le camouflage de l’assassinat en suicide et faire un simulacre ? Il faut se poser la question de savoir qui devrait être interrogé par le juge d'instruction. Qui convoquerait-il, le juge, s'il était nommé et libre de ses actions ? Comment se fait-il que le corps ait été découvert deux fois ? Le premier ministre Raymond Barre, le ministre de l’Intérieur et d’autres ont reconnu l’avoir appris par certains à tout le moins 8 heures avant même que le corps n'ait été officiellement retrouvé ? Répondre à ces questions, qu'on se pose depuis le début, c'est faire un premier pas vers les commanditaires.

— Et ils seraient parmi ceux qui ont tout de suite accrédités la thèse du suicide ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Oui, mais ce que je trouve intéressant c'est que l'intox continue. Les pressions continuent. La journaliste Marie-Françoise Colombani qui vient de publier un article dans Elle me confirme qu'il y a des politiques d'aujourd'hui qui continuent à propager sur nous des rumeurs ignobles qui ne reposent sur rien. Dès après la mort de mon père, certains politiciens qui se sont répandus dans les couloirs de l’Assemblée Nationale pour rapporter des rumeurs ignobles sur ma famille, comme quoi nous étions fous, pour nous discréditer être malveillant et faire un écran de fumée et nous empêcher de parler.

Je voudrais qu'on me donne les noms des gens qui encore aujourd’hui colportent ces rumeurs car ils se comportent comme ce sont les complices des assassins. Avec eux nous pourrons remonter aux je saurais d'où viennent les assassins.

L’Intox continue 31 ans après pour nous discréditer et nous empêcher encore de faire entendre notre voix. Mais avec mon livre ils vont avoir du mal à me faire taire. Il y a beaucoup de contre vérités de gens, comme Raymond Soubi, qui ne connaissent pas le dossier. Et pourquoi les journalistes l'écoutent ?

— Vous espérer voir votre patience récompensée avant la mort des principaux témoins que vous impliquez nommément ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Au pas ou ça va, ce n'est pas parti pour ! 31 ans après le procureur vient de dire à un média que le témoignage du gendarme n’apporte rien de nouveau ! Ce qui est sidérant, et à dire vrai insupportable ! En France, nous on attendons  toujours longtemps pour dire les choses. On a est légitimistes et ceux qui arpentent les allées du pouvoir savent en profiter, on protège toujours les souverains.

— Avez-vous des recours contre les personnes qui ont agi contre le droit dans ce dossier, par exemple pour la momification de votre père ?

Fabienne Boulin-Burgeat. J’a déjà porté plainte pour destruction de preuves lorsque nous avons constaté que les scellés contenant les poumons de mon père avaient disparu de l’Institut médico-légal.  Elle a abouti , comme les autres plaintes, à un non-lieu. Il fallait réunir trois éléments pour que le responsable de la destruction cette personne soit condamnée : un élément de droit (elle n'avait pas le droit de le faire), un élément de fait (les poumons, qui ont été détruits) et l'intention de nuire. Mais le Parquet a estimé que si les deux premières conditions étaient réunies, la troisième ne l’était pas : elle n'avait pas eu l'intention de nuire mais juste celle de faire du ménage… Quant à la momification d'un corps sans l'autorisation, c'est quinze ans de prison, mais là, encore une fois l’impunité totale a été la règle. C'est dangereux pour une République de ne pas respecter le principe d'égalité de tous devant la loi...

— A-t-on déjà invoqué la raison d'état pour vous faire taire ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Oui, constamment. Mais la raison d’Etat n’a rien à voir ici. Il s’agit pour les assassins et leurs complices de défendre des intérêts privés et personnels.  Ce sont des prédateurs, qui espèrent garder le pouvoir afin de  places pour continuer à se servir et non servir leur pays détourner tout l'argent. Afin de combattre la corruption iI faudrait suivre l’exemple de faire comme la  ville de Séoul et rendre tous les marchés publics transparents en mettant tout sur Internet en libre accès afin de combattre la corruption. Mon espoir est qu’aujourd'hui il y al de nombreux es juges plus rebelles qu'autrefois,acceptent moins de se soumettre  moins soumis  que dans les années 80. Ils se battent même publiquement pour préserver leur indépendance face au pouvoir exécutif. 

— On en viendrait à désespérer de la Justice pour moins que ça.  Si, malgré vos preuves, vos démonstrations que tout a été mal fait jusqu'à présent (sciemment ou non), les nouveaux témoignages et le temps qui doit aussi faire son œuvre, la Justice ne se ressaisissait pas du dossier, que pourrez-vous faire ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Je laisserais les historiens reprendre mon dossier, qui contient des milliers de pages. Mon rôle n'est pas d'amener moi-même les assassins avec leurs aveux signés devant le tribunal, ce n'est pas mon travail, quoi que semble en penser un procureur. L’enquête judiciaire ne m'a surtout apporté aujourd'hui que des mensonges et des destructions de preuves. Après le rejet de mes demandes de réouverture de l’instruction, j’ai dû me tourner vers la Cour Européenne des Droits de l'Homme, fin décembre 2010, devant laquelle nous avons déposé une requête pour faire condamner la France car elle ne garantit pas au Parquet un pouvoir décisionnel indépendant du pouvoir exécutif, ce qui reviendra à condamner un système mais malheureusement pas les hommes qui en profitent et s'enrichissent. La séparation des pouvoirs est un des fondements de notre démocratie, elle doit être défendue, c’est le seul vrai rempart contre l’arbitraire.

— Votre livre paraît chez Don Quichotte. Est-ce un signe ?

Fabienne Boulin-Burgeat. Oui, c'est formidable, Don Quichotte est un de mes héros, partir dans la vie combattre pour un idéal, mais mes moulins ne sont pas à vent, ce sont de vrais problèmes... Je dénonce des pratiques ignobles, indignes d’un pays qui donne des leçons de démocratie à la terre entière. Je suis très heureuse d’avoir choisi comme éditrice Stéphanie Chevrier, qui est une grande professionnelle. J’aime travailler avec des personnes qui ont le même sens de l’a même éthique que moi. Il faut rêver parfois…


Propos recueillis par Loïc Di Stefano

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