Dernières nouvelles du Sud - Là où le ciel et la terre se rencontrent


Au milieu des années 1990, alors qu’ils vivaient en Europe, l’écrivain chilien Luis Sepúlveda et son socio - son ami -, le photographe argentin Daniel Mordzinski, ont décidé d’effectuer le voyage d’une vie : partir de Buenos Aires et rallier la Patagonie, puis la Terre de Feu. Les changements provoqués par la mondialisation, les privatisations en masse et le décrochage de pans entiers de l’économie argentine risquaient de changer à jamais le visage d’une terre d’exception, où le rapport à l’autre se mesure avant tout à l’aune de la rudesse de la nature qu’il faut affronter. Plus qu’un récit de voyage, ce livre est le témoignage, sous la forme d’un recueil de nouvelles illustrées de photos noir et blanc, d’un périple de plus de 3 500 kilomètres au cœur d’un pays qui n’existe plus que dans les souvenirs de ceux qui l’ont connu.

« En Patagonie, on dit que faire demi-tour et revenir en arrière porte malheur. Pour rester fidèle aux coutumes locales, nous avons poursuivi notre chemin car le destin est toujours devant, et on ne doit avoir dans son dos que la guitare et les souvenirs. »

Une terre, des hommes

Cap sur cette terre lointaine, où l’on rencontre des gens à part, comme la vie qu’ils mènent. L’étendue infinie qui sépare les communautés les unes des autres, le climat rude et aride, ont donné aux habitants le caractère qui sied à un environnement difficile. En Patagonie, la langue est rare, on ne parle pas pour ne rien dire ; dans le même temps, parfaitement conscients de la fragilité de leur condition, les Patagons refusent de se prendre au sérieux. Au fil du récit, Sepúlveda et Mordzinski croiseront, entre autres, un meurtrier tourmenté par le remords, des gauchos, des poètes, un lutin (!), une guérisseuse, un luthier, les mécaniciens du Patagonia Express, tous plus ordinaires les uns que les autres, et tous exceptionnels pour leur envie de mener une vie en contradiction avec le changement imposé par une modernité prétexte à une mondialisation à marche forcée.

« Nous avancions lentement sur une route de graviers car, selon la devise des Patagons, se hâter est le plus sûr moyen de ne pas arriver, et seuls les fuyards sont pressés. »

Sepúlveda croque le Patagon de son écriture légère comme l’air du sud. Sa langue est souple, déliée et sauvage, hommage à ces hommes et à leur terre. Elle est portée par le vent froid du changement inéluctable. Si elle est mélancolique, elle se refuse à être nostalgique. Car Sepúlveda est autant écrivain que militant : pour lui l’amour et la colère ne font qu’un. Son amour pour un monde qui coule dans ses veines le dispute à sa colère de le voir disparaître dans l’indifférence et l’injustice. Pour sauver son âme, il témoigne. Pour sauver la nôtre aussi ? Accompagné de photographies aussi belles que simples, ce récit donne à penser au lecteur qu’il peut être beaucoup plus que la somme des biens qu’il possède. A lui de choisir. Le critique, pour sa part, a décidé. Et vous ?

« Avant de franchir la barrière et de reprendre la piste, nous sommes descendus de voiture pour crier à pleins poumons : « bonne chance, les amis » et nous avons mis le cap au sud. Toujours plus au sud. »

Glen Carrig

Luis Sepúlveda / Daniel Mordzinski, Dernières nouvelles du Sud, Editions Métailié, traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg, avril 2012, 191 pages, 20€

4 commentaires

A la rédaction du journal « Le Monde ».
Triste et déconcerté, notre ami Daniel Mordzinski, le célèbre photographe des nombreux écrivains et survivants des pays en guerre en Afghanistan, Bosnie, Mali… nous a raconté sur son site web www.danielmordzinski.com comment, à son insu, toutes ses archives photographiques faites depuis vingt sept ans, dont des milliers d’images argentiques, analogiques et des diapositives, ont été envoyées sans aucun avis à la poubelle dans vos locaux de Paris.
Dans une République où nous l’on se dit respectueux de la liberté d’expression et responsables de la préservation du patrimoine matériel qui rend compte de notre histoire, il est scandaleux que de telles choses arrivent en particulier dans un journal aussi prestigieux que le votre. Pour cette raison je ne peux rester indifférente et je manifeste face à ces événements mon soutien inconditionnel à monsieur Daniel Mordzinski. Je vous demande, en tant que lectrice du « Monde » et de « El Pais », qu’il reçoive des excuses et que vous considériez que la destruction de son travail mérite par conséquent une enquête sérieuse et bien évidement une indemnisation relative au préjudice subit.
Sandra Rivas (écrivaine, musicienne).

Marseille, 19 mars 2013.


Pour soutenir Daniel Mordzinski :
http://www.danielmordzinski.com/contacto/

D’autres écrivains et journalistes en parlent aussi :
-Luis Sepulveda (Chili):
http://www.lemondediplomatique.cl/La-estupidez-de-LE-MONDE-destruye.html
-José Manuel Fajardo Espagne)
Le Monde destruye el archivo de 27 años de obra de Daniel Mordzinski
http://www.fueradeljuego.josemanuelfajardo.com/index.php?option=com_k2&view=item&id=544:le-monde-destruye-el-archivo-de-27-a%C3%B1os-de-obra-de-daniel-mordzinski&Itemid=1
Le Monde censura en Facebook las críticas por el atropello a Mordzinski
http://www.fueradeljuego.josemanuelfajardo.com/index.php?option=com_k2&view=item&id=545:le-monde-censura-en-facebook-las-cr%C3%ADticas-por-el-atropello-a-mordzinski&Itemid=1

Chère Madame,
Auteur de la critique ci-dessus à laquelle vous avez réagi, je ne peux que partager, si les faits sont avérés, votre indignation. Pour autant, je n'ai à titre personnel - et il en va de même, pour ce que j'en sais, du site du Salon littéraire - aucun rapport avec le journal Le Monde. Vous comprendrez dès lors que je demande la suppression de votre commentaire qui, rédigé comme si vous vous adressiez au journal Le Monde, n'a rien à faire sur cette page. Je vous invite quoi qu'il en soit à poster ce commentaire quelque part sur une page appropriée du site du journal Le Monde. Pour en revenir à M. Mordzinski et à son travail, je me joins à vous dans ce que vous dénoncez (encore une fois, si c'est avéré, c'est une catastrophe).
Cordialement,
Glen Carrig

Une réelle invitation au voyage... Je souhaite depuis longtemps accomplir cette expédition, et désormais ce sera accompagnée de ce livre, parcourant ses lignes au fil de mes pas...

L'aller de Buenos Aires à Ushuaia par la route 3, le retour par la mythique route 40, le long de la cordillère des Andes. Comme je vous comprends... un voyage de rêve!