Alechinsky appariteur ailé de Proust
Il a compris qu’une litanie d’images tirées de l’œuvre seraient est aussi dérisoire qu’une distribution de poubelle et qu’elle n’a aucune valeur de sens tant le texte proustien se suffit à lui-même. La remémoration est donc autre. Et si Proust écrivait “ on ment toute sa vie ” en preant soin d’ajouter « “ on ment (…) par-dessus tout à cet étranger dont le mépris nous causerait le plus de peine : à nous-mêmes ”, Alechinsky prouve ici le contraire. Il n’a pas cherché à colmater le génie de Proust puisque cela aurait été aussi superfétatoire qu’imbécile. Il a donc choisi l’intrusion lapidaire et presque neutre.
Il y a là un exercice de la plus grande humilité. Elle fait toute la force d’un telle édition. De telles enluminures aèrent le texte, donne à l’abstraction un miroir. Par ses crayonnages de couleur sanguine Alechinsky se « contente » d’ « infractions », d’ « allusions » c’est ce que l’artiste - quittant à dessein son propre lyrisme graphique - pouvait faire de mieux fasse à la profondeur essentielle d’une telle œuvre. L’imagination tisse par effet de frises un cocon autour de sa chrysalide. Toute la profondeur de La Recherche tient donc dans le puits de ces coups parcimonieux de crayon qui renvoient à la plénitude de « l’encrier » de Proust.
Jean-Paul Gavard-Perret
Marcel Proust, Un amour de Swann orné par Pierre Alechinsky, NRF, Gallimard, Paris, 201 pages, 39 €
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