"La forteresse de Breslau", le grand incendie

Au bord du gouffre


Les bombes tombent, les canons tonnent. Breslau, ville du Reich, encore allemande pour quelques semaines, est assiégée par les troupes soviétiques. La population se terre dans les sous-sols des bâtiments encore debout tandis que des SS se livrent à des bacchanales sans fin, pour exorciser la catastrophe qui vient, avec au ventre la peur du jugement. Et le juge est là : Eberhard Mock, ancien officier de la police criminelle, défiguré lors du bombardement de Hambourg, erre dans les égouts de Breslau accompagné de son frère dont la santé mentale est en train de céder. Cherchant des indices sur la mort de son neveu, Mock explore les ruines d’un immeuble de la zone de front et découvre une femme violée et mourante. Il s’agit de la nièce de la comtesse Gertruda Von Mogmitz, femme d’un des membres de la conjuration montée par le général Von Stauffenberg. Détenue dans un camp par son ancien majordome devenu SS, elle fait jurer à Mock de retrouver le meurtrier de sa nièce. Mock n’a jamais résisté à une jolie femme et promet. Commence alors une enquête tortueuse dans un monde qui se  meurt… ce n’est que dix ans plus tard à Vienne que Mock obtiendra justice. Après le grand incendie…

 

Le personnage, clef du succès ?


La forteresse de Breslau, comme l’ensemble du cycle que Marek Krajewski consacre aux enquêtes d’Eberhard Mock, tient à la foi du polar, du thriller et du roman historique. C’est tout un monde qui défile sous nos yeux, disparu dans l’horreur des camps d’extermination, des expulsions de populations entières (cf. l’excellent ouvrage de Keith Lowe, L’Europe barbare, paru chez Perrin). Une Atlantide de la mémoire qui retrouve aujourd’hui droit de cité, y compris dans le polar (avec Philip Kerr et son cycle consacré au détective Bernie Gunther, notamment). Du point de vue du suspense, l’ouvrage est solide : tout tourne autour de la comtesse, qui suscite l’adoration de son entourage et la détestation de ses soupirants éconduits. Dernier ouvrage d’une série de cinq, La forteresse de Breslau ravira les amateurs de l’auteur et surtout du personnage de Mock, sans qui le livre serait ennuyeux. Centre d’attention de l’intrigue, il suscite chez le lecteur sympathie et, parfois, un peu de répulsion : mélange qui explique le succès d’une série parfois trop touffue.

 

Sylvain Bonnet


Marek Krajewski, la forteresse de Breslau, traduit du polonais par Laurence Dyèvre, Gallimard/série noire, novembre 2012, 282 pages, 23 €

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