Thomas Enhco, Fireflies : la promesse de l'aube...

Pas même vingt-cinq ans et déjà son troisième album. Thomas Enhco baigne dans la musique. Depuis sa naissance. Et pour cause : il est le petit-fils du chef d'orchestre Jean-Claude Casadessus, le fils de la soprano Caroline Casadessus, et donc le beau-fils du violoniste Didier Lockwood, dont il a fréquenté l'école durant plusieurs années. On mesure la prégnance d'un tel environnement. Lui-même a appris le violon dont il a commencé l'étude à trois ans, ainsi que le piano, abordé trois ans après et auquel il a choisi de se consacrer essentiellement. Tout cela ne suffit pas, il va sans dire, à conférer le talent - sauf à penser qu'il se transmet par les gènes. Ou par l'atmosphère dans laquelle on baigne.

 

Quoi qu'il en soit, foin des hypothèses plus ou moins hasardeuses. Il suffit de juger sur pièce, en l'occurrence l'album "Fireflies", sorti il y a juste quelques mois, pour constater que, de talent, le jeune pianiste n'est pas dépourvu. Passons sur sa technique instrumentale, impressionnante. Elle est le lot commun de quasiment tous les musiciens de sa génération, formés dans les meilleures écoles. Si elle permettait, jadis et encore naguère, d'établir une hiérarchie, le critère est désormais caduc.

 

Reste ce qui fait ici la différence, un toucher à la fois ferme et délicat (c'est lui qui retient de prime abord), un sens des dynamiques et des nuances, l'utilisation subtile du silence. L'art, surtout, de créer et d'enchaîner des climats. Brumeux, souvent, et traversés d'on ne sait quelle mélancolie. Avec des échappées lumineuses, ces lucioles évoquées dans le titre, qui viennent consteller un univers romantique, peuplé de fantômes (You're Just A ghost) de Train de nuit et de Ballade pour un esprit nocturne. Jusqu'à cet Awakening où le contrebassiste pointe le bout de son archet.

 

Thomas Enhco se révèle aussi fin mélodiste dans ses compositions que dans les improvisations dont il les pare et les prolonge. Il y donne libre cours à sa fantaisie et à son goût pour l'errance où il entraîne ses partenaires. Une familiarité déjà éprouvée le lie à ces derniers, le bassiste canadien Chris Jennings et le batteur Nicolas Charlier, dont The Outlaw met en évidence l'inventivité.

 

Sans doute serait-il un peu vain de souligner que, sous les doigts d'un pianiste abreuvé aux deux sources, la distinction entre jazz et classique perd de sa pertinence. En témoigne Träumerei, la rêverie Op. 15 tirée des "Scènes d'enfants" de Robert Schumann, interprétée avec une sobre sensibilité, et dont le choix est révélateur. De même que relever des parentés avec d'autres trios, celui de Bill Evans, en particulier, dont l'influence est ici patente, relèverait de la simple anecdote. Du reste, il n'y a pas lieu de rougir d'une telle filiation. Elle n'obère en rien une indéniable originalité.

 

Le jeune pianiste n'en est qu'à l'orée d'une carrière que l'on peut prédire, sans grand risque, brillante. Désormais installé à New York, il y joue et enregistre avec des musiciens de l'envergure de John Patitucci et de Jack DeJohnette. Lui-même a été récompensé en 2010 par un troisième prix de piano au Concours international Martial Solal, tandis que son album "Someday My Prince Will Come" obtenait, la même année, le Django d'Or dans la catégorie nouveau talent. Sans parler des distinctions que lui ont valu, en 2011 et 2012, ses activités de compositeur de musiques de films, et d'interprète à la tête de son groupe Thomas Enhco & Co. Autant de reconnaissances officielles dont on ne peut que souhaiter qu'elles n'entament pas la fraîcheur de sa musique. Ni son inspiration.

 

Jacques Aboucaya

 

Thomas Enhco, "Fireflies". Thomas Enhco (p), Chris Jennings (b), Nicolas Charlier (dms). 1 CD Label Bleu/ Sphinx Distribution/Giant Steps, octobre 2012. 

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