Françoise Reynaud, Frits Gierstberg & Carlos Gollonet, "Eugène Atget - Paris" : mémoire vive

Arrivant de Madrid et de Rotterdam et avant de s’envoler pour Syndey, l’exposition itinérante pose ses planches et autres clichés au musée Carnavalet, à Paris, du 25 avril au 29 juillet 2012. Un crochet s’impose donc pour le visiteur impénitent, le curieux de passage, le passionné d’histoire et/ou de photographie. Bref, c’est incontournable une fois encore pour qui veut se nourrir de beauté(s) et d’histoire(s).Eugène Atget (1857-1927) est d’ailleurs une légende, épousant son destin comme d’autres la première venue, partant à l’aventure sans bagage mais avec passion, donc armé de l’essentiel pour réussir. Le reste n’étant que détail pour les grincheux... Dès 1888 il ose prendre des clichés et comme tout débutant, immortalise des paysages et des motifs. Puis lui vient l’idée des rues parisiennes qu’il pourra revendre à des artistes pour leur servir de modèles. Une clientèle se monte, sa réputation commence à se dessiner... Au-delà des peintres, très vite les collectionneurs vont sentir qu’ils tiennent là un oiseau rare et très vite des institutions vont s’intéresser à lui, à commencer par notre hôte, le musée Carnavalet ; puis la Bibliothèque nationale.


Atget a très vite jeté son dévolu sur le vieux Paris, celui où frissonnait encore les fantômes du passé, ces quartiers épargnés par la modernité qui détruit et ravage tout ce qu’elle peut, à toute époque. Haussmann égorge la ville à grands coups de crayons rageurs sur un plan que ses ouvriers s’empressent de rendre réalité en ouvrant des voies rectilignes dans un Paris entrelacé. Adieu ruelles sacrifiées au nom du boulevard, si pratique pour donner la mitraille contre la piétaille qui aurait encore envie de se soulever contre le régime... Atget sera donc la mémoire de la ville. Il prendra des vues des rues et des façades dont certaines, si elles ont survécu au terrible baron ont été vaincues par les turpitudes de la spéculation immobilière... 











Atget sera patient, attendant la meilleure heure, la moins de monde possible pour avoir des photographies inattendues, lentes et sanctuarisées dans leur écrin sépia. Avec son appareil à plaques 180 x 240, il peignait l’instant par la magie d’un angle, d’une lumière captés avec sagesse et savoir. Son appareil lui garantissait le meilleur rendu possible des détails d’architecture qu’il chassait comme autant de papillons immobiles...


Ses œuvres pionnières sont désormais rentrées dans la grande histoire de la photographie, ouvrant la voie du documentaire, laissant alors parler les "experts" sur la subjectivité inhérente à la photographie. Mais au-delà des débats, il demeure le témoignage par le biais de la photographie qui n’est pas qu’un simple cliché mais bien une œuvre à part entière car le cliché est avant tout le reflet du ressenti du photographe à l’instant précis où il appuie sur le déclencheur. Il veut retranscrire une émotion, signaler, mettre en avant une beauté observée et la faire partager... 


Paradoxalement, cette désertification humaine sur ces clichés va faire que les surréalistes vont l’adouber et en faire l’un des maîtres de la modernité. Walter Benjamin et Man Ray, notamment, vont s’en inspirer...


L'exposition s’articule autour de sept grands thèmes pour permettre au visiteur d’apprécier la cohérence du travail documentaire ET artistique qu’un photographe aura fait sur Paris. 183 œuvres auront ainsi été sélectionnées parmi 5000 des 9000 tirages d’Atget conservés dans le fonds photographique du musée... Le visiteur aura donc le choix entrePetits métiers, boutiques et étalages ; La Seine, les jardins ; Les rues ; Détails et intérieurs ; Pottier et Atget ; Environs de Paris et L’album de Man Ray


Comme en miroir, cet album comportant 43 clichés d’Atget collectionnés par l’américain offre une comparaison entre la démarche historique d’une institution publique et celle, plus esthétique, d’un artiste. 

En marge de la manifestation, se tiendront des conférence, table ronde et visites guidées dont vous trouverez tous les détails sur le .
Sans parler de ce très beau et très volumineux album aux photographies superbement rendues.


François Xavier


Françoise Reynaud, Frits Gierstberg & Carlos Gollonet, Eugène Atget - Paris, 300 illustrations, relié papier et toile, 240 x 310, Gallimard, mars 2012, 348 p. - 45,00 €

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