La transhumance de Marcel Coen

Belle et riche réalisation que cet élégant ouvrage coédité par La Maison de la Transhumance et les éditions Arnaud Bizalion. Heureuse façon aussi de fêter ainsi un évènement : celui de l'inscription officielle de la transhumance – déplacement saisonnier de troupeaux – sur la liste représentative du Patrimoine immatériel de l’Humanité établie par l’UNESCO.
C’est durant sa captivité de cinq années en Allemagne que, lisant entre autres Giono, Marcel Coen (Pau 1918, Marseille, 2008) rêve tout naturellement d’air pur et de grands espaces. Mais ce n’est – par bonheur pour nous ! – qu’une fois devenu photographe qu’il réalisera ce rêve en accompagnant, en juin 1951, depuis Saint-Martin-de-Crau et durant trois semaines, au pas de l’âne, les deux mille deux cent  brebis mérinos des frères Chemin jusqu’aux alpages de la haute vallée de La Tinée…
Le journaliste-écrivain Maurice Moyal, qui est son compagnon de routo, publiera leur reportage commun peu commun aux USA, l’année suivante, dans le National Geographic Magazine où il aura un franc succès.

Aujourd’hui, nombre d’entre nous ne connaissant pas encore ces admirables photographies à large spectre, parce que à forte charge poétique tout autant que métaphysique – pour ne pas dire initiatique puisque le sens de cet adjectif est désormais bien trop souvent galvaudé au profit d'un ésotérisme de pacotille –, ce sont elles seules qui sont présentées ici par les bons soins éclairés, éclairants et qualifiés, passant au fil des pages par la plume respective de Benoît Coutancier, Jean-Claude Duclos et Patrick Fabre. Merci à eux pour leurs précieux et généreux apports, biographiques et autres, à divers niveaux !
Cela tandis qu’une surprise de taille attend le lecteur au beau mitan du livre : bien mené tout du long bien qu'écrit de mémoire, l’étonnant journal de cette transhumance en quatorze étapes par Marcel Coen lui-même !
Voici ce qu’il en disait à son ami Guillaume Lebaudy dans une lettre du 16 janvier 2004 : J’ai fait aussi un récit de ma transhumance, qui n’est pas celle de mon ami Maurice Moyal, quoiqu’on l’ai faite ensemble.
Mais lui avait l’habitude de l’écriture, pour moi, c’est chose nouvelle. J’ai fait plutôt un récit chronologique que des réflexions philosophiques comme il s’est permis de le faire.

Aujourd'hui sauvegardé et désormais consultable aux Archives municipales de Marseille tout en demeurant encore en grande partie inédit, on ne peut donc qu'espérer et former le vœu que le fonds Coen soit par ailleurs peu à peu régulièrement exploité – les portraits, par exemple, sont remarquables – et par là célébré de nouveau d'aussi belle et instructive manière !

André Lombard

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La transhumance de Marcel Coen, Maison de la transhumance-Arnaud Bizalion éditeurs, décembre 2023, 190 p.-, 35 €

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