Incendies au Paradis : Gaël Pietquin

                   

 

Un seul texte (fulgurant) permet de situer Gaël Pietquin parmi les grands poètes du temps.  Dans « Rouge palpé » le pathétique cède à l’enchantement et dénonce tout pathos. S’y saborde toute compacité : le sang flotte avec force mais aussi langueur. Il fissure toute suffisance pour laisser libre cours à la sensualité astucieusement aporique. Tel un nouveau Pasolini (du moins le solaire ) Pietquin se fait démiurge. Le Paradis se retrouve en feu sans laisser filer l’émotion. Tout est chauffé à noir, à blanc dans un texte d’accourcissements. Il devient  pavé d’aire en errance. L’écriture crée des présences autant sporadiques qu’en répétitions :

« Cent fois l’espadon ! sur le tapis d’amour est mesuré

Cent fois »

La densité sensorielle est lumineuse. Elle devient respirable comme l’éther de l’anesthésie de jadis. L’insecte possède un vol lourd mais en une apesanteur diaphane. Tout s’élide mais fait poids. Joute à joute surgissent les corps. Faux aphorismes, litotes vraies abondent dans ce qui se prend d’abord pour un non-sens mais qui de fait  l’offusque. L’innommé s’élide par un exercice de haute voltige et  d’aurore là où le sardonique est au besoin épelé dans sa pulpe. L’antithèse tait la thèse, met la dialectique à mal par des tours de manège ou de moulin à poivre épiçant. Ils font surgir une suite de mystères. Soudain un

« pied

 

nu coupe

la

barque

 

D’un bout à l’autre sans se prononcer »

Mais c’est là toute la magie du verbe d’un poète à découvrir absolument.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Gaël Pietquin, « Rouge palpé », lithographie de Renée Spirlet, Atelier de l’Agneau, Saint Quentin de Caplong, 14 €.

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