Boutheyna Bouslama : femme sans influence

 

Fashonista jusqu’au bout des ongles de pieds Boutheyna Bouslama n’en est pas moins féministe. Dans Shoes son obsession pour les chaussures lui servit de narration d’un achat transformé en rituel à fort potentiel émotionnel. Quatre textes sérigraphiés sur papier de soie (propre à l’emballage des chaussures) ont été diffusés dans des magasins adéquats afin de le prouver. Un cinquième texte fut projeté en vidéo lors des happenings de l’artiste.
La féminité n’empêche donc pas le féminisme le plus impertinent. Et m’artiste est le parfait opposé de Al Bundy de la série U.S. "Mariés, deux enfants". Elle prend les idées reçues au débotté pour rappeler à ses semblables le peu qu’ils sont. Elle ne les accuse pas de lâcheté pour autant. Défiant la bise qui souffle dans les creux des destins elle tente d’en devenir flûtiste.

Boutheyna Bouslamal ne laisse à personne le droit d’être méprisé. Dans « Papiers » elle posa le sens de la diffusion, la valeur, la légalité de l’œuvre d’art tout en montrant la difficulté de la reconnaissance administrative des immigrés Ces "papiers" sont de faux permis de séjour qui furent distribués et disséminés dans Genève. Quant à L’infusion à la menthe le jus d’orange et le râteau, (l’œuvre la plus poétique et la plus minimaliste de l’auteur) elle raconte une histoire d’amour qui comme toute « bonne » histoire du genre finit mal en général.

Le monde reste dans Elles se fiancent toutes une nef des fous à la dérive. C’est aussi un temps de crises : sur Internet et pour se remarier les hommes ne cherchent plus les femmes les plus belles mais le meilleur marché. En attendant l’artiste ne cesse de river le clou à tous les voyeurs qu‘elle épingle même s’ils n’y sont pour rien tant ils sont vautrés dans des magasins de vanités.
Néanmoins elle n’est pas de celles qui vomissent sur le bonheur des autres. Leur joie l’accompagne. Sachant que l’emballage du péché est toujours le plaisir elle s’en amuse explorant des situations limites où l’on peut compter sur la petitesse d’autrui.

Parce que la suissesse s’est tirée d’un péché (originel ou non) l’élégance prend chez elle des chemins de traverses. Ce qui lui fait plaisir ne réjouit pas forcément le gogo qui rêve de l’acupuncture avec les flèches de Cupidon. Néanmoins l’œuvre déclenche des soupirs particuliers.
Qu’importe s’ils ne font pas surgir des madrigaux. 

 

Jean- Paul Gavard-Perret

 

Boutheyna Bouslama, Elles se fiancent toutes, Lausanne, art&fiction éditions, coll. Sonar,32 p.- CHF 15 / € 10 / 100 exemplaires.

 

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