Interview deMichel Chevalier, poète et fondateur des Editions Stellamaris

Interview de Michel Chevalier  fondateur des Éditions Stellamaris par Jean-Paul Gavard-Perret, août 2018

Michel Chevalier, ayant a la base une formation scientifique (il est ingénieur), arrive à Brest en 2008, et après quelques mois il découvre le goût de l'écriture. Ses premiers recueils sont un hymne à cette belle région. Elle est pour beaucoup dans sa vocation poétique. Grâce à l'impact de la Bretagne sur lui, il se sens aujourd'hui nettement plus Breton que Provençal – sa région d'origine.
Il fonde les Éditions Stellamaris le 1er janvier 2011.
Jusqu'au mois d'août 2018, à la maison d'édition Stellamaris ont été publiés 377 titres, dans des genres très différents comme: la poésie, le roman (souvent dans les littératures de l'imaginaire), les pièces de théâtre, les essais, les jeux de rôle, les ouvrages "jeunesse" etc.

 

Pourquoi avez-vous choisi de devenir éditeur ? Qu'avez-vous fait avant le choix de l'édition ?
De base, j'ai une formation scientifique je suis ingénieur et je ne me connaissais aucun talent pour l'écriture. Le déclic est venu en 2008, quand un de mes fils s'est temporairement inscrit sur un forum d'écriture, je m'y suis inscrit pour le commenter... et, après un mois, j'ai "attrapé le virus" et j'ai commencé à écrire des poèmes. Après avoir rédigé quelques recueils de poésie, éprouvant des difficultés à me faire éditer dans des conditions qui me conviennent, j'ai choisi de me mettre à mon compte. Du coup, j'ai aussi décidé d’éditer tous ceux qui me le demanderaient et pour qui j'aurais un coup de coeur. J'ai ainsi fondé les Éditions Stellamaris le 1er janvier 2011. Sept ans et demi après, quand je me retourne en arrière, j'en suis à 377 ouvrages publiés, dans des genres très différents...

 

Quels champs et genre littéraire voulez-vous défendre ?
Je me suis donné dès le départ une seule limite : ne publier que ce pour quoi j'aie un coup de coeur. Voici mon credo, qui figure sur la page "pour les auteurs" de mon site (http://www.editionsstellamaris.com) :

 

Mettre en forme un ouvrage ;
Comme autant d’émaux,
Disposer les mots
Avec art, sur la page ;

En faire un vitrail,
Pour qu’ils n’y soient en cage
– Ce n’est un sérail ! –

Mais bien plutôt s’envolent,
Gambadent, caracolent,

Libres comme un saï !

 

Stellamaris

 

Mon credo :

  • Pour l'amour des mots : ne publier que des œuvres pour lesquelles j'ai le coup de coeur, quel que soit leur genre littéraire (poésie, romans, livres mêlant la littérature avec une autre forme d'art (peinture, photographie etc.)
  • Chaque livre doit être un écrin, entièrement dédié à la mise en valeur de l'œuvre dont il est le support
  • Proposer aux auteurs un contrat équilibré dans les droits et obligations des deux parties, avec une avance de fonds minime, ou nulle selon l'option choisie.

 

Si les deux tiers des ouvrages que j'édite sont de la poésie, le reste est très variés : des romans, souvent dans les littératures de l'imaginaire mais pas toujours ; des pièces de théâtre ; des essais ; des jeux de rôle ; des ouvrages « jeunesse », etc.
Le choix de la Bretagne pour votre implantation est-il à vos yeux important? Ce n'est pas un choix: les vicissitudes de la vie m'ont amené à m'implanter dans la belle ville de Brest en 2008, quelques mois avant que je ne me découvre le goût de l'écriture. Ceci étant dit, j'ai tout de suite eu le coup de foudre pour cette région, et, quoique d'adoption, je me sens aujourd'hui nettement plus Breton que Provençal ma région d'origine. D'ailleurs, les premiers recueils de ma plume que j'ai publiés Rencontres avec le petit peuple, Histoires d'Armor et d'Argoat, Bretagne mon amour et Impressions de Bretagne sont un hymne à cette belle région et au choc qui m'a marqué quand je l'ai découverte, qui est pour beaucoup dans ma vocation poétique.

 

Pensez-vous que l'édition française est victime de sa polarisation parisienne ?
Je ne saurais avoir un avis sur la question : je travaille isolément de mes autres confrères, et ma connaissance du milieu de l'édition est extrêmement limitée...

 

Envisagez-vous un développement sur la littérature et la langue bretonnes ?
J'ai déjà publié, outres mes propres recueils cités plus haut, plusieurs livres ayant pour thème la Bretagne. En particulier :

  • une petite pépite, un court roman policier en vers, tout à fait dans la veine d'un Michel Audiard pour la truculence des dialogues, Petits meurtres à Lampaul Plouarzel
  • un roman mêlant Science-Fiction et légendes bretonnes, De Huelgoat à Kilchoan
  • un recueil de poèmes illustrés de photos ayant pour thème les Côtes d'Armor, Pen Avel
  • et je suis en train de publier (parution prévue en septembre) un livre "Jeunesse" ayant pour thème les légendes bretonnes sur la Mort, Tilian et l'Ankou Triste. Je suis donc totalement ouvert à toutes autres propositions sur le thème, et j'aurais même un a priori favorable pour les étudier.

 

N'étant pas moi-même bretonnant, je ne publierai par contre pas un livre exclusivement en langue bretonne ; par contre, une proposition d'un livre bilingue breton-français pourrait m'intéresser. J'ai en effet déjà publié plusieurs livres bilingues ; notamment :

  • en bilingue français-anglais, une traduction de ma plume des poèmes d'Edgar Alan Poe et d'un recueil de poèmes de H.P. Lovecraft, Fungi de Yuggoth;
  • un autre recueil bilingue français-anglais, Silencieux manèges – Silent carousels
  • un recueil bilingue français-berbère, Le berger des ogresses – Ameksa n tteryulat
  • un recueil de haïkus bilingues français-arabe, Arabesques, haïkus du désert
  • et un témoignage bilingue français-hmong sur l'arrivée des réfugiés hmong en France il y a quarante ans, Ne me lâche pas la main – Txhob tso kuv tes.

Comment voyez-vous l'évolution de votre métier à travers les nouveaux réseaux et médiums ? Est-ce pour vous une opportunité ?
Non seulement, c'est une opportunité, mais ce n'est qu'ainsi que j'ai pu ainsi, étant isolé et sans le moindre contact dans le milieu, créer ma maison d'édition. C'est par internet que mes auteurs et beaucoup de mes lecteurs me découvrent, c'est sur Internet que j'ai trouvé mon imprimeur et que je lui passe commande...

Quels sont les auteurs que vous désirez publiez ?
J'accueille a priori avec la même bienveillance tous les auteurs qui se présentent à moi ; et très souvent, je tombe sur des pépites, qu'ils soient déjà connus ou non... Ceci étant dit, c'est toujours une divine surprise quand un auteur connu et reconnu, tel que Ionut Caragea, me fait l'honneur de confier ses œuvres à ma modeste maison d'édition !

Quels sont les auteurs que vous avez aimé et aimé le plus ?  
Difficile question ! Étant donné que je me suis donné comme ligne de conduite de ne publier que des œuvres pour lesquels j'ai un coup de cœur, je les aime tous énormément, même si c'est chacun de manière unique comme leurs œuvres à chacune et chacun sont uniques... Je me permets néanmoins d'en citer quelques uns : Tout d'abord, Martine Maillard et Mon Diraison-Bacon, pour être les toutes premières à m'avoir fait confiance quand j'ai lancé ma maison d'édition.

Flormed, mon maître en poésie, imam marocain, qui m'a tout appris ! Son Encyclopédie du sonnet est un ouvrage de référence.

Maalik Sy, pour reprendre aussi magistralement l'antique tradition des griots sénégalais avec son roman entrecoupé de poèmes, Arcanes des mondes pluriels.

Axelle "Psychée" Bouet, pour la force des interrogations sur notre civilisation qu'elle sait inclure dans sa saga, "Les chants de Loss", reflet "de ses pires rêves et de ses meilleurs cauchemars" (qui fera d'ailleurs l'objet d'un jeu de rôle édité par mon confrère, les Editions Matagot).

Ma petite soeur, Anne-Cécile Rondepierre, et Cathou Quivy, sur la force de leurs témoignages sur l'accueil des plus fragiles, qui font tant de bien dans notre société si cruellement égoïste (une enfant trisomique pour Anne-Cécile, les réfugiés hmong pour Cathou). Leurs ouvrages sont respectivement Merci la vie ! et Ne me lâche pas la main – Txhob tso kuv tes.

Nabil Aoun, pour sa magnifique analyse de la plongée dans la folie la plus meurtrière de personnes qui au départ n'étaient ni meilleures ni plus mauvaises que beaucoup d'autres, dans son dernier roman, Guerre Sainte.

Timba Bema, poète camerounais, pour l'originalité et la pertinence de sa démarche pour son long et magnifique poème, Les seins de l'amante, où il utilise le rapport au corps comme métaphore de la colonisation et de son impact sur l'appréhension de soi par les colonisés...

Ionut Caragea, le premier auteur d'une telle notoriété à m'avoir fait confiance, je ne le remercierai jamais assez...

Je conclus par ces deux immenses maîtres, Edgar Allan Poe et H.P. Lovecraft, à qui j'ai eu l'honneur de rendre hommage en adaptant leur poésie en vers français...

Comment envisagez vous la Francophonie littéraire dans votre développement ?
Comme on peut le voir dans la liste ci-dessus, la francophonie tient une place centrale dans ma maison d’édition ! Mes auteurs sont répartis sur tous les continents, et si aucun à ce jour ne réside en Asie, un au moins, Erick Gauthier, a résidé de nombreuses années au Laos, qui inspire plusieurs de ses œuvres, tant des romans qu'un recueil de poèmes...
J'ai en particulier de nombreux auteurs africains, venant de pays aussi divers que le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, le Sénégal, le Cameroun, la République du Congo...

Que défendez-vous en général ?
Mon combat littéraire est contre l'élitisme, si prégnant dans la culture officielle française. La littérature est avant tout un art de transmission des expériences humaines, a travers de moyens d'expression aussi différents que le roman, l'essai, le témoignage, le cri en prose, la poésie classique... C'est pourquoi mes choix d'édition sont très éclectiques, et que j'ai pris le parti pris de ne jamais mêler le moindre critère d'origine, de classe sociale, de ressources financières de l'auteur ou de recettes potentielles de l'ouvrage dans mes choix d'édition.

Pensez-vous que l'office breton du livre et le CNL pourront vous aider à démarrer ?
Je ne connais pas ces organismes, j'ignore donc ce qu'ils pourraient apporter à ma maison d'édition...

Quels liens avez-vous avec la presse générale et spécialisée ?
Ayant fondé ma maison d'édition ex nihilo, sans avoir aucun contact dans le milieu, je n'ai malheureusement pas de carnet d'adresse... Par contre, j'expédie volontiers des exemplaires "presse" à titre gratuit à tous les contacts que mes auteurs me signalent.

Quels sont vos prochaines publications ?
Il y en a beaucoup: je publie une moyenne de deux ouvrages par semaine, et il me faut de l'ordre de deux à trois mois pour traiter ma pile d'attente d'ouvrages à éditer...

Envisagez vous d'autres axes de développement et de diffusion ?
Poursuivant toujours mon métier d'ingénieur en parallèle de mon métier d'éditeur, je n'envisage pas à court terme une évolution de ma manière de travailler... Je pourrai étudier d'autres possibilités de développement de ma maison d'édition, plus chronophages, dans quelques années quand j'aurai pris ma retraite d'ingénieur.

 

Jean-Paul Gavard-Perret, le 6 aout 2018.

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