Charles Pennequin, hâbleur impénitent

Beckettien par essence – Pennequin en sort par tout ce qu'il déploie selon une logique interne. Elle se construit en avançant pour la vie et donc contre la mort. Une musique naît et dévale par reprises et filages inconscients en des ritournelles aussi douces que violentes.
Réinventant à sa main une poésie sonore, l'auteur trouve là un moyen  d'y débloquer  les paroles,  les dogmes et même les mausolées que sont les livres.

Dans Père Ancien – au titre quasi biblique – chaque poème se veut "un spot dans la nuit" de l'être, une petite forme du peu, du nul, du resserré pour saisir le vide de soi-même par delà tout processus de discussion. 
Obsédé par l'état de naissance, Pennequin traverse la langue idéologisée pour que le fatras babillard  de l'enfance renaisse hors du non assigné et l'aliénation comme le font ses grands frères  Prigent et Novarina.
Si bien que ce livre parle depuis le  ras de la terre, du "jardin", au coeur du  grouillement de "l'armée noire des déloquetés" en accrochant les "chansonnettes crapuleuses des gens" à la barbe de l'"écrit-tue" des poètes, prétentieux exterminateurs, par leurs propos savants et savonneux, de la "bêtise" de ceux qui ne cherchent pas à faire la leçon.

Pennequin veut "parler pour rien" mais pour mieux dire. Il trouve même à  la télévision (dont la série "Urgences"...) de quoi faire des poèmes "avec des trous.". Car il ne s'agit pas d'écrire "du cercueil mais de la vie". C'est pourquoi une telle poésie rusée et massacreuse devient l'art "actionniste" par excellence du drame désespérément comique de l'existence.
 

Jean-Paul Gavard-Perret


Chatles Pennequin, Père ancien, P.O.L éditeur, décembre 2020, 19 €

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