L'homme et la mer : Henri Droguet

Longtemps publié chez Gallimard (entre autres Off, Maintenant ou jamais, Faisez pas les cons !) Henri Droguet reste un poète discret et insuffisamment estimé eu égard à son œuvre.

Il est vrai qu'elle développe des mêmes paysages marins et bretons qui par essence ne changent peu sinon dans le jeu des nuances et le gout des détails pour évoquer le ciel et la mer, la lande, les genêts, la bruyère, les rochers, les vagues bref le tellurique et l'aquatique.
 
Ces nouveaux poèmes (2013-2019) prolongent donc le même champ. Et l’épigraphe l'annonce : "Sans la mer, le ciel et le soleil sont une erreur" (Daniel Morvan). Le ciel breton mérite à lui seul une attention particulière et trouve ici tout le vocabulaire précieux et parfois ironique que l'auteur lui consacre pour montrer sa puissance sur un monde en chaos.

Néanmoins un ordre sa fait jour. Et si le poème s'emporte de manière échevelée il finit toujours par une touche mystérieuse où une inaccessible étoile se perd dans les eaux. Quant aux êtres ils sont à leur place et tels qu'ils sont. À savoir plus ou moins sinon ridicules du moins dérisoires sans intrigues ni / commencement ni rien.

De fait comme dans les tableaux de Constable les éléments et leur traitement submergent chaque poème. Mais celui-ci rameute néanmoins le réel phénoménal dans un brassage qui fait de l'océan "un fabuleux vieux lavoir" face à la rambarde des falaises.
 
C'est pourquoi même si la poésie de Droguet est souvent rapprochée de celle de Beckett et Celan, elle reste moins abstraite plus terrestre et marine. Le tout dans un attrait pour le trivial et le quotidien d'un monde en charpie métamorphosé par l'emprise verbale. Celle-ci n'est pas seulement descriptive mais suggère une sagesse que seule la vue apprend à reconnaître au fil du temps.
 
Jean-Paul Gavard-Perret
 
Henri Droguet, Grandeur nature, Éditions Rehauts, 2020, 77 p.-, 16 €

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