Formé d’abord à l’école de la nature qui fut l'écrin de sa jeunesse, Jean-Louis Etienne aura un modèle, une « idole absolue », l’alpiniste italien Walter Bonatti, et des compagnons d’aventures (notamment Eric Tabarly) auprès desquels, de 1979 à 1986, comme médecin d’expédition sur les sommets himalayens ou sur toutes les mers du globe, il forgera son désir d’immensité : traverser le Pôle Nord en solitaire. Comme un appel du destin, lui qui était lancé sur la voit de l’ébénisterie comme son père, son grand-père, et qui fit médecine parce qu’il s’avéra bon en mathématiques et qu’il vit là un champ d’exploration nouveau et la possibilité de se confronter à ce qui sera l’une de ses grandes qualités d’homme : la persévérance.

 

"Progresser dans ce chaos effrayant dépassait tout ce que j'avais imaginé. Ce n'était qu'une transe musculaire, un effort continuel, une course d'obstacle démentielle."

Le style d’abord un peu apprêtée s’allège au fil du texte et nous plonge dans le cœur des expéditions extraordinaires de cet homme resté simple malgré les exploits, comme toujours en retrait face à l’immensité et à la magnificence de la nature dans laquelle il va se perdre.  Au fur et à mesure de ses expériences, de ses échecs (sa première tentative d'atteindre le Pôle Nord en solitaire) et de ses combats, des techniques qu'il améliore (comme un traineau en kevlar ou un sac de couchage à double fond pourchasser l'humidité et ne pas se transformer la nuit en sarcophage de glace).

Un livre d'aventure comme on n'ose pas en imaginer, une opiniâtreté qui force l'admiration, sauf qu'il s'agit de l'expérience incroyable d'un homme toujours humble, et toujours émerveillé, devant la nature qu'il magnifie par la force de son parcours et de son engagement constant pour préserver. Persévérance et préservation, la vie de Jean-Louis Etienne consacrée dans l'effort d'un affrontement avec la nature à nous la montrer dans sa fragilité nue et sa beauté sauvage.

Jean-Louis Etienne, Persévérer, Points, juin 2016, 216 pages, 6,40