Rural noir, du nouveau à la campagne

Libraire et écrivain

 

Libraire de profession, Benoit Minville s’est fait connaitre en publiant des ouvrages pour adolescents aux éditions Sarbacane : Je suis sa fille (2013), Les géants (2014), Victor tombe dedans chez les mousquetaires (2014). Amateur de polars, admirateur d’auteurs comme Joe Landsdale, DOA, ou James Ellroy (mais qui n’admire pas James Ellroy ?), il publie ici son premier roman à la série noire, Rural noir, qui, comme son titre l’indique, se propose de nous immerger à la campagne, loin des villes. Franchement, ça décoiffe…

 

Il était une fois…

 

Romain, jeune trentenaire un peu vagabond, revient dans son village natal de Tamnay dans la Nièvre, frappé par la crise économique et le départ des services publics. Il était parti dix ans plus tôt sur un coup de tête, juste après la mort de ses parents, abandonnant ainsi son jeune frère Chris. Ce dernier, malgré tout, l’accueille et lui annonce être en ménage avec Julie, leur grande copine, enceinte de leur premier enfant. Ils apprennent alors que leur copain Vlad est à l’hôpital… Vlad, devenu une figure locale du banditisme, mêlé au trafic d’héroïne. Romain se prend tout cela en pleine poire et se souvient…

 

Quinze ans plus tôt, Vlad, Romain, Chris et Julie formaient le gang, une bande d’ados inséparables. Puis il y eut cet été magique où Romain et Vlad resserraient leur amitié, où Julie devenait femme sous les yeux énamourés de Romain. Cet été-là, il s’est passé aussi autre chose, qui a scellé la fin de leur innocence et marqué le début de la dérive de Vlad.

 

Un roman âpre, dur et coup de poing

 

Rural noir parle d’une France oubliée, celle des campagnes et des périphéries, bien décrite par le géographe Christophe Guilluy dans Fractures françaises. Rural noir est donc un roman social, qui offre donc une description assez sombre et réaliste de ces gens oubliés, dont certains sombrent dans le trafic de drogue sous le regard perdu de leur famille et de leurs amis, des laissés pour compte dont, il faut bien le dire, nos élites se moquent complètement. Ici, Benoit Minville se montre l’héritier d’une tradition américaine illustrée par Lansdale mais aussi James Lee Burke ou James Crumley. Enfin, la campagne n’est pas décrite comme un repaire de dégénérés ou d’abrutis (même s’il y en a), comme beaucoup de romanciers français aimaient le faire dans les années 70, et c’est tant mieux !

 

Rural noir, c’est aussi une formidable histoire d’amitié, celle qui unit intensément des jeunes adolescents et qui perdure à l’âge adulte. Benoit Minville excelle à décrire les émotions de ses personnages, leurs hésitations, leurs coups de colère aussi. Une très bonne découverte : on attend désormais le deuxième.

 

Sylvain Bonnet

 

Benoit Minville, Rural noir, Gallimard Série noire, février 2016, 256 pages, 18 €

 

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