Connaissez-vous Vieux Boucan dans les Landes ? c’est là que le petit Jacques, que tout le monde appelle Jacquot, malgré son opposition à ce surnom, passe ses vacances dans les années 60, avec celui qui représente sa fierté : Jean, son papa, maitre-nageur bénévole, un solide gaillard divorcé au crane glabre qui réveille ses enfants à 7 h 30 et dont la plage est le territoire absolu.

Jean règne sur les vacanciers et surtout sur les dames qui craquent toutes pour ses biscottos. Un jour, une famille belge arrive dans ce petit Eden, entre club Mickey et coin réservé aux nudistes. Et là surprise, c’est le grand Brel en personne, avec sa femme et ses enfants qui débarque. Pendant trois jours, Jean va tout faire pour que le grand homme se sente bien, pour que le public le laisse tranquille. Trois jours d’exception au cours desquels tout va changer.

Jacques Expert se souvient de cette parenthèse enchantée, et prend la voix de l’enfance avec une justesse de ton à signaler, pour rappeler le temps de l’innocence, celui des bains de mer « après la digestion », du Tour de France vénéré, des piqûres de vives et des siestes à l’ombre mais aussi d’une certaine petite fille, dont son papa s’occupe un peu trop… Une deuxième famille ? Les papas ne disent pas toujours tout à leurs propres enfants.

Cela pourrait être convenu, gnan-gnan, c’est au contraire frais, intelligent et fin. Jean va nouer une relation d’amitié avec le chanteur qu’il admire tant et sera encore davantage hissé sur ce piédestal que représentent les yeux d’un fils.

Il serait dommage de dévoiler la chute, douce-amère, mais on peut saluer ce qui s’apparente à une ode à un père séducteur et bon enfant, naïf et généreux. Le fils grandira mais n’oubliera jamais cette rencontre avec la star. Nostalgie quand tu nous tiens !

Ariane Bois

Jacques Expert, Ne nous quittons pas, Albin Michel, mai 2017, 300 pages, 19,50 €