Le Colloque des Bonobos de Frédéric Lepage imagine une controverse de Valladolid sur le thème : les bonobos veulent-ils rejoindre l'homme sur la plus

Imaginez une sorte de Controverse de Valladolid qui se tiendrait au Grand Amphithéâtre du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris sur le thème : les bonobos, au regard des dernières découvertes scientifiques, notamment les travaux de l'Académie des Sciences des Etats-Unis publiés en 2003, veulent-ils rejoindre l'homme sur la plus haute branche de l'évolution selon les critères darwiniens ou veulent-ils rester singes parmi les singes ?


« […] nous n'avons pas à choisir entre l'animalité et l'humanité, mais entre le droit de jouir et celui de disposer des autres »

Deux camps vont s'opposer. Celui du oui, en rejoignant l'homme sur sa branche les Bonobos seront des maîtres et seront libres, et celui du non, en rejoignant les hommes les Bonobos perdront leur identité sans gagner en échange autre chose qu'une fausse fraternité. Mais les conciliabules vont faire que les alliés vont changer de camp, pris entre des désirs contradictoires et malmenés dans leurs convictions par la force de pérsuation de Congo, Pan paniscus, autrefois appelé Zaïre, qui préside l'assemblée en espérant qu'une fois rejoints sur la branche darwinienne de l'évolution les Hommes ne se comporteront plus envers eux comme envers de vulgaires animaux. En cela, il s'oppose à Villeurbanne, capturé en bas âge et véritable « produit » de laboratoire qui théorise beaucoup et croit que l'humanisation de sa race conduira à annuler ce qui en fait sa spécificité ontologique : le sexe en toute liberté, la brachiation, l'absence de haine. En un mot, le lien avec la nature, dont l'homme s'est coupé pour affirmer sa supériorité : « Le refus de la nature est l'acte de naissance de leur espèce ». Laquelle des deux visions emportera l'adhésion des membres ? 

« Celui-ci craint l'abandon de la brachiation […], l'autre redoute a perte du plaisir. C'est épouvantable. Nous ne sommes gouvernés que par la peur. »

Mais le discours est-il de savoir ce qui sépare, ou ne sépare quasiment pas, l'homme du bonobos ou plutôt de savoir ce qui fait  l'identité propre des bonobos. Car si la science établit en effet qu'à peine 0,06 % d'ADN différencie l'homme de son « cousin », le débat se situe sans doute ailleurs, dans la nature de la société naturelle. Faut-il garder son identité et subir encore les violences des hommes, y compris les expériences scientifiques qui font de certains de simples cobayes, ou faut-il se hisser sur la branche supérieure ? Et si le Bonobos devient homme, reste-t-il Bonobo ? et quid des autres singes ? 

« […] ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est notre identité, depuis toujours indissociable de notre droit le plus sacré, celui de jouir. Bonobo, je suis un jouisseur. Bonobo, je ne peux pas être frère des hommes. Car ils ont inventés mille stratégies pour avilir le désir, le dévaluer, le détourner, le mater : religion, patriotisme, communisme, capitalisme… »

Petit conte moral traité avec l'humour décallé d'un Orwell de la Ferme des animauxLe Colloque des Bonobos est à la fois une réflexion sur l'évolution et la place des races par rapport à la nature, une vision grotesque de l'homme plénipotentiaire et une fable sur l'évolution. Un roman à ne pas dédaigner, malgré le peu de soin pris par Balland pour l'éditer.

Loïc Di Stefano 

Frédéric Lepage, Le Colloque des Bonobos, Balland, mars 2011

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