La Colère d'Achille, Charles Ficat fait revenir le plus humain des héros en poète sur sa vie

Enfermé dans l’éternité de la Mort, le plus vivant des héros antiques, Achille, l’homme de colère, revient en poète qu’il fut sur sa vie comme à la recherche d’une cause à son déclin inattendu et, disons-le, assez injuste au regard des exploits accomplis : mourir par le trait qu’un lâche du haut d’un tour vous tire dans le talon n’est pas la fin espérée — si tant est — par le héros.


« Ni tout à fait un dieu ni tout à fait un homme, qui suis-je ? les demi-dieux sont mortels et leurs actes éternels. »

Né d’un homme et d’une Déesse, qui fut sa protectrice jusqu’à rencontrer un destin adverse au protecteur plus puissant, Achille est élevé pour servir des valeurs de noblesse et de courage. Disciple de Chiron, le centaure légendaire, il apprend la nature, les règles et les devoirs envers tout ce qui vit et forme l’harmonie du monde, il apprend la joie de l’effort, de la course, l’art de combattre. Puis il part à la cours de Lycomède à Skyros, où déguisé en fille il va recevoir l’enseignement des sages, y rencontre par le jeu et la surprise des corps son épouse de cœur — Déidamie — et très tôt, destiné à emporter les Myrmidons ses soldats dans l’Histoire, il est appelé par les guerres qu’Agamemnon mène et qui conduisent devant les remparts de Troie. 

« La colère n’en finit pas d’embraser la vie, d’enflammer les forêts, de briser les glaciers. Elle nourrit le désespoir et fait renaître l’homme à lui-même. » 

Des milliers de morts pour une femme, aussi sublime soit-elle, Achille ne comprend pas, refuse et manque occire Agamemnon et finalement décharge sa colère en fauchant la vie des hommes. Il a quitté sa femme, ne voit pas grandir son fils, a perdu son ami fidèle et s’est vu retirer sa compagne de lit pour satisfaire quelque plan politique écœurant, plus rien sinon les Parques ne peut arrêter son bras. La colère, incarnée en un tourbillon qui déferle, sera l’offrande d’Achille à la vie.

« Je n’ai voulu montrer que la noblesse de l’homme. »

Au-delà du récit proprement biographique par lequel Charles Ficat trame son roman, c’est de valeurs qu’il est question ici. Et de valeurs aujourd’hui déconsidérées, comme l’ardeur, la noblesse, l’engagement. Si Achille jouit de la protection divine, ce qui en effet n’est pas négligeable, son engagement auprès des hommes est total, il est d’autant plus un homme qu’il se consacre à la vie.

« Les héros puisent réconfort dans le verbe. Qu’est-ce que la victoire sans poème ? Une péripétie… »

Charles Ficat réussit là un roman tout à fait prenant, au style assez hiératique pour donner une juste image de son héros sans toutefois imposer une lecture ardue, tout est ajusté, poétique, et donne un modèle pour l’homme de demain. Gageons que la saine colère d’Achille soit également prophétique, car la colère libère l’homme de ses entraves et le conduit à son destin, en une apogée digne. Achille, au fond de sa rancœur de n’être plus, gardera en poète les traces de sa destinée, dont il donne, par la voix de Charles Ficat le bien inspiré, un récit digne de la Muse.


Loïc Di Stefano 

Charles Ficat, La Colère d'Achille, Bartillat, août 2006, 172 pages, 14 euros

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