La chute irrémédiable d'une femme dans "Déliquescence" de Deborah Kay Davies

Cet homme n'est pas pour elle, tout le monde le lui dit, sa meilleure amie, ses parents, elle-même le sait, elle ne peut pas être à ce point éprise d'un homme dont elle ne sait rien, dont elle a peur. Et pourtant, c'est son homme !

« le monde extérieur paraissait ennuyeux, sans danger et ennuyeux »

La narratrice de ce roman à la première personne, comme une longue confession, est une jeune femme équilibrée et heureuse. Son travail, certes banal, ses amis, sa meilleure amie Allisson et ses petites habitudes. Quand il arrive pour qu'on traite son dossier, cela faisait déjà longtemps qu'elle l'avait vu. Mais c'est lui qui fait le premier pas, l'attend à la sortie du bureau et l'emmène comme si c'était convenu de longue date. Elle se retrouve dans un parking, sautée contre un mur, et c'est sa révélation : cet homme frustre, brusque et si peu attentionné, c'est le sien, son mâle. L'attraction est totale, son odeur, ses mains, ses brusqueries même, son côté voyou, tout concourt à ce que ce mauvais garçon envoûte cette fille trop sage...

Mais c'est une attraction maudite.

Pourtant, elle est heureuse de sa nouvelle vie, elle n'est rien qu'une chienne apeuré qui attend son maître pour un coup plus qu'une caresse, mais c'est son maître. Il faudra que le mâle se comporte comme le dernier des salauds pour qu'elle plonge dans l'absolue bassesse et enfin n'ai plus d'autre choix, mourir ou se relever.

« comme si la partie de mon cerveau qui connaissait les décisions bénéfiques pour moi était en désaccord avec la partie de mon coeur qui le connaissait, lui. » 

Cette chute irrémédiable, jusqu'à ce que la narratrice se délite tout à fait dans l'absence d'amour propre, l'absence à elle-même, et ne devienne plus rien, est un vrai parcours infernal mais dont chaque étape aurait été acceptée avec joie, cette joie étrange qui satisfait le corps et détruit l'âme. Jusqu'au point de non retour.

Déliquescence
est une expérience de lecture un peu difficile, mais saisissante.


Loïc Di Stefano

Deborah Kay Davies, Déliquescence, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Jean Esch, Editions du Masque, 22 août 2012, 254 pages, 18 EUR

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