Yassaman Montazami, Le meilleur des jours : Mon père, cet enfant

Yassaman Montazami est iranienne, mais vit en France depuis l’âge de 3 ans. À 40 ans, elle est psychologue, travaille auprès des réfugiés politiques… et devient écrivain en racontant aujourd’hui sa propre histoire, à travers la figure de son père. Behrouz – c’est son nom, qui signifie « le meilleur des jours » - donne le titre du livre.

On pourrait s’attendre à une statue paternelle érigée avec dévotion… C’est un portrait drôle, désopilant, bouleversant. Il est vrai que le père de Yassaman Montazami est de ces hommes facétieux qu’on trouve davantage dans les bandes dessinées ou les comédies du septième art que dans le flot des réfugiés politiques.

 

Behrouz donc, miraculé de l’existence, est une provocation du destin : né prématuré, il s’accroche à la vie, choyé par une mère terriblement possessive. Étudiant, il arrive en France et s’attaque à une thèse monumentale, qu’il ne finira jamais, sur Karl Marx. Mais il en retient quelques leçons : « Karl Marx et mon père avaient un point commun, écrit Yassaman Montazami : ils ne travaillèrent jamais pour gagner leur vie. On ne pouvait œuvrer à l’abolition du salariat et être salariés, c’était incompatible. » Facétie prolétarienne rendue possible par la générosité de la mère de Behrouz, restée à Téhéran, qui subvient aux besoins de son fils chéri, grâce au succès jamais démenti ses livres de cuisine qui se vendent comme des petits pains, quels que soient les régimes !

 

1979 : la révolution iranienne. L’appartement parisien devient le lieu de passage, voire de villégiature de dizaines de réfugiés politiques, et autant de figures truculentes que Yassaman Montazami décrit avec jubilation : « Mon père était ainsi qu’il ne discriminait pas sa propre famille du reste de l’humanité. Tous les êtres se valaient à ses yeux. »

1997 : Behrouz décide de repartir en Iran et abandonne sa femme. Non pas parce qu’il ne l’aime plus, mais parce qu’elle ne l’a jamais aimé, nous explique l’auteur. Bref : éternel adolescent, il rentre au pays, retourne chez maman, avec ses trois mille livres et sa thèse commencée trente ans plus tôt.

 

2006 : Behrouz revient à Paris pour n’en plus repartir. Malade, il reste, aux yeux de sa fille, ce père fantasque et comique : « La vie avec lui semblait un éternel 1er avril. » Behrouz, ne pouvait pas rêver plus belle oraison que ce premier roman jubilatoire. Yassaman Montazami n’a retenu que « Le meilleur des jours », et c’est tant mieux.

 

Christophe Henning

 

Yassaman Montazami, Le meilleur des jours, Sabine Wespieser, août 2012, 144 p., 15 €

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