"Pig Island", Mo Hayder à la recherche du monstre démoniaque

Le journaliste Joe Oakes est invité sur Pig Island, perdue comme il se doit, pour y rencontrer la colonie spirituelle (le Ministère de la cure psychogénique) qui y séjourne à l'abri du monde, et pour faire un reportage sur leur vie paisible afin de calmer les racontars qui ne cessent depuis qu'on aurait vu — et filmé — une forme humanoïde avec une queue, quelque chose comme un satyre qui ouvre l'imagination sur toutes les déviances possibles de ce groupe, cette secte, ces infâmes démonistes ! Oakes est un spécialiste des canulars mystiques, et, cela tombe bien, a un vieux compte à régler avec Malachi Dove, le fondateur de ce groupe.

Oakes part à la rencontre de ce groupe, et découvre des gens sympathiques mais apeurés, ayant un procès en cours avec Malachi Dove, qui est soudain devenu différent, encore plus mystique. Poussé par sa curiosité de journaliste, Oakes dépasse les limites posées par le Ministère et découvre un repaire fait de têtes de porcs sur des pics, de vieux fut de produits toxiques et de carcasses puantes. Sur tout cela, règne Malachi, qui frappe Oakes et le laisse pour mort en le maudissant. Oakes reviendra sur l'île, après avoir été secouru et soigné, mais y découvre deux choses qui vont le bouleverser : le massacre des membres du Ministère, et une jeune femme apeurée, fille de Malachi, qu'il va vouloir sauver. C'est d'ailleurs elle qui est à l'origine de tout, c'est elle le monstre de la plage, elle est née avec un appendice caudal sur-développé, filmé un fois par un touriste et le monde a soudain vu le Diable !

Le roman est en deux parties. La première est le récit par Oakes de ses découvertes, de ses rencontres, ce qui finalement nous le rend assez sympathique (par le ton employé surtout, qui met en avant le côté débonnaire du journaliste) mais à la fois réduit le crédit de son récit, qui sera mis en défaut dans la seconde partie du roman, huis clos où chacun des trois personnages (Oakes, sa femme Lexie, et Angeline, la fille de Malachi Dove qui vivait recluse sur l'île...). Le trio enfermé dans une planque nauséabonde, le temps de l'enquête, va tourner au huis clos de massacre dont Angeline sortira plus heureuse qu'elle n'est entrée. C'est la psychologie des personnages qui apparaît ici, et chacun est plus perturbé que les autres, Oakes qui est sexuellement troublé par l'appendice d'Angeline, Lexie qui passe son temps à rêver d'aventures avec son patron, et Angeline, petite chose perturbée qui va se révéler plus démoniaque qu'angélique...

La fin est un peu troublante, et perturbera ceux qui n'ont pas été assez attentif aux événements détaillés comme si de rien et pourra même sembler un rien surfait, mais le résultat est saisissant, chacun des personnages nous apportant sa version de l'horreur vécu et concourant au psychodrame collectif. Cette profondeur des caractères, le délire du fait divers et l'écriture en elle-même font de ce polar une confrontation directe avec l'horreur.


Loïc Di Stefano


Mo hayder, Pig Island, traduit de l'anglais par Hubert Tézenas, Pocket, « thriller », juin 2008, 469 pages, 6,80 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.