Le Roi du macadam est un petit bijou comme il en pousse parfois, sur les pavés de l'Angleterre industrielle

L'ancien portier et petite frappe locale Royston Blake, gros gabarit mais petite tête, est de retour à Mangel, ville comme on pourrait dire fin de tout, trou du monde et ville des M(audits-)angel(s)... Il est décidé à s'amender, à suivre les conseils de son psychiatre et à trouver un emploi régulier, digne de ce qu'il fut et des rêves de notabilité qui brouille sa vision du monde. Ce n'était pas n'importe qui, Royston Blake, les lecteurs des Clopes et de la binouze le savent bien. Cette suite, Le Roi du macadam, riche en révélations sur sa personnalité et les bas-fonds de Mangel, ravira les plus fervents admirateurs de polars brute de décoffrage !

Tout n'est pas clair dans la tête de Royston. Sauf qu'ancien portier du plus illustre pub de la ville, il a un statut et une réputation qu'il compte bien reprendre au sortir de la prison-psychiatrique où il a été interné après avoir avalé une grosse poignée de bonbons — des amphétamines... Mais il a fait un travail sur lui, il compte bien retrouver sa femme, sa maison, et pourquoi pas devenir citoyen modèle, cadre supérieur, acheter cette grosse voiture qui fera toute la différence, la maison avec jardinet dans les beaux quartiers... Sauf que voilà, Royston revient et le monde a changé, son monde n'est plus : la petite ville crasseuse est maintenant sous l'influence d'un centre commercial qui focalise toutes les envies et tous les ressentiments : les envies des potentiels employés et des clients, les ressentiments des petits commerçants. Et Royston, sans même le savoir, et sans rien comprendre du début à la fin, va se mettre au milieu d'un bordel pas possible : entre ceux qui veulent faire sauter le centre commercial pour en finir avec la concurrence et ceux qui veulent le braquer, Royston est choisi à chaque fois pour être celui par lequel l'opération va aboutir. Mais, bien sûr, personne ne lui dira rien et c'est tout seul, comme un grand benêt, qu'il va se sortir de situations difficiles.

Au passage, Charlie Williams pousse la psychologie de son personnage et nous donne à comprendre, dans ce polar social noir mais hilarant, les origines du « mal » de Royston, le rapport à son père et à sa mère, aux femmes,  à la violence, et surtout à la vie, qui va changer radicalement pour lui quand il apprend qu'il a un fils, un petit Roy à éduquer comme lui ne l'a pas été. Le roman est construit par alternance de scènes « en direct » et de scènes souvenirs des entretiens de Royston et de son psychiatre, où la brute va se dévoiler. Mais, magie du roman, il lui arrive le plus souvent de ne pas comprendre ce qu'il nous apprend, et d'avancer à la recherche de fantômes qu'il vient juste de tuer, faut quand même pas trop pousser le roi du macadam et se mettre entre lui et ses nouvelles ambitions de respectabilité !

Charlie Williams maîtrise parfaitement son personnage, et nous le rend sympathique, nous montre la réalité vue du côté de l'abruti tout en lui permettant d'esquiver les chausses-trappes et finalement de rester là, loin peut-être de ses vues initiales, mais vivant et plein d'espoir. Heureux, finalement, dans un monde en mutation, de montrer que la puissance du vide qui le pousse à agir n'est pas rien. Vivant et d'une grande richesse dans la critique sociale, plein d'un humour acide et noir qui  porte la lecture de bout en bout, Le Roi du macadam est un petit bijou comme il en pousse parfois, sur les pavés de l'Angleterre industrielle.


Loïc Di Stefano

Charlie Williams, Le Roi du Macadam, traduit de l'anglais par Thierry Marignac, Gallimard, « série noire », février 2009, 322 pages, 22,50 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.