"Shutter Island", Dennis Lehane plonge au coeur de la folie
Deux Marshals fédéraux sont envoyés pour une petite chasse à l'homme —
en l'occurrence, à la femme — sur une île au coeur de la Baie de Boston,
Shutter Island, qui abrite un complexe carcero-hospitalier voué aux
recherches psychiatriques sur des patients très dangereux. Les rebuts de l’humanité trouvent ici des médecins qui cherchent sinon à les guérir
du moins à comprendre leur état et à les maintenir en paix. Sans
laisser aucune trace, comme évaporée, une démente a disparue de sa
cellule et demeure introuvable ; elle est peut-être repartie chez elle,
retrouver ses enfants qu'elle a installée autour de la table familiale
après les avoir noyés un par un... ou pas.
Avec une maîtrise inégalée, qui donne à Shutter Island une portée bien supérieure au cadre noir qui porte la folie de ses quelques personnages qui forment tout un monde, Dennis Lehane brosse à la fois un portrait noir des fantômes de l'Amérique (anciens combattants des Seconde Guerre Mondiale et Guerre de Corée, Anti-communisme obsédant, etc.) et le portrait d'hommes au bout de leur propres possibilités, de leurs propres souffrances, pris en chasse par un déferlement inattendu de violence et de peur. Quatre jours terribles qui vont éroder la raison de Teddy en le forçant à rompre avec tout ce qui le maintenait en vie depuis quelques années, depuis la mort de sa femme. Quatre jour d'un expérience psychiatrique inédite, jeu de rôle qui ne dit pas sa raison et dont on ne sait jamais qui lance les dés.
Plonger dans l'enfer de cette petite île est une expérience jouissive. Sentir le sable de la raison s'écouler sous nos pas et ne pas vouloir se retenir, tomber, mais tomber par le style tendu et sarcastique de Dennis Lehane, qui, s'il laisse toujours la place à l'humour — comme une dernière cigarette au condamné... — rompt avec ses précédentes aventures et s'impose comme un maître de la psychologie des hommes perdus, nos semblables, nos frères...
Loïc Di Stefano
Dennis Lehane, Shutter Island, traduit de l'anglais (USA) par Isabelle Maillet, Rivages, "rivages / noir", janvier 2006, 392 pages, 8 €
Teddy et Chuck mènent une
enquête qui leur ouvre assez vite les voies de la suspicion : il se
passe autre chose ici, la somme de ce qui est avoué par le médecin-chef
sur les pratiques du centre est la partie congrue des réelles activités.
Et l'évadée qui réapparaît comme d'elle-même, qui récite une version
des faits bien apprise et qui tremble. Et l'ancien phare de l'île, gardé
par des hommes en armes, n'est-il pas un lieu d'expérimentation
interdites ? Les pratiques eugéniques des nazi n'a-t-elle pas cours ici ?
Quels sont exactement les secrets de cette île digne, semble-t-il, du
Docteur Moreau ?
Comme les personnages des précédents romans de
Dennis Lehane, Teddy est hanté par ses propres fantômes (sa femme
décédée dans l'incendie de leur immeuble, la poursuite de l'incendiaire,
son colonialisme, etc.), mais ici, la maîtrise est telle que ce sont les
fantômes eux-mêmes que nous voyons évoluer dans un huis-clos à l'air
libre. Pour qui nous prend Dennis Lehane, qui nous berce entre le réel
incroyable et la folie si possible des personnages qu'on perd nos
certitudes au fur et à mesures qu'elles se posent. Qui est fou, qui est
tortionnaire, qui est marshall fédéral, depuis combien de temps Teddy
est sur cette île ? qutre jours, deux ans ? et surtout, comme une
bourrasque finale qui nous fait tomber définitivement : qui est Teddy ?
Avec une maîtrise inégalée, qui donne à Shutter Island une portée bien supérieure au cadre noir qui porte la folie de ses quelques personnages qui forment tout un monde, Dennis Lehane brosse à la fois un portrait noir des fantômes de l'Amérique (anciens combattants des Seconde Guerre Mondiale et Guerre de Corée, Anti-communisme obsédant, etc.) et le portrait d'hommes au bout de leur propres possibilités, de leurs propres souffrances, pris en chasse par un déferlement inattendu de violence et de peur. Quatre jours terribles qui vont éroder la raison de Teddy en le forçant à rompre avec tout ce qui le maintenait en vie depuis quelques années, depuis la mort de sa femme. Quatre jour d'un expérience psychiatrique inédite, jeu de rôle qui ne dit pas sa raison et dont on ne sait jamais qui lance les dés.
Plonger dans l'enfer de cette petite île est une expérience jouissive. Sentir le sable de la raison s'écouler sous nos pas et ne pas vouloir se retenir, tomber, mais tomber par le style tendu et sarcastique de Dennis Lehane, qui, s'il laisse toujours la place à l'humour — comme une dernière cigarette au condamné... — rompt avec ses précédentes aventures et s'impose comme un maître de la psychologie des hommes perdus, nos semblables, nos frères...
Loïc Di Stefano
Dennis Lehane, Shutter Island, traduit de l'anglais (USA) par Isabelle Maillet, Rivages, "rivages / noir", janvier 2006, 392 pages, 8 €
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