Six jours dans la vie de Rainer Maria Rilke, en Face du Jardin de Béatrice Commengé

Un court séjour à Paris de Rainer Maria Rilke (1875-1926) en 1920 sert de prétexte à Béatrice Commengé pour composer une biographie radieuse, traversée par la grâce. Dans le cahier acheté à son arrivée, Rilke n’aura écrit que ces mots : « Ici commence l’indicible ». Une parenthèse qu’il s’accorde en clandestin. Il a quarante-cinq ans. Il s’est installé à l’hôtel Foyot, face au jardin du Luxembourg, quartier qu’il connaît bien ; lieu chargé de fantômes et de souvenirs. Paris est « la saison mentale » de son histoire.

La romancière emprunte les pas du poète au gré de ses promenades et s’attache à mêler ses mots aux siens, pour coller au plus près de sa « mémoire » et retranscrire la joie de ces six jours solitaires. La voix de Rilke fait corps avec le texte et ses inflexions épousent la respiration du récit. Les citations s’ouvrent et se ferment, l’air de rien, tout s’accorde pour déclencher une avalanche de correspondances. Les paysages et les lieux défilent, renvoyant à d’autres cadres, d’autres exils, transfigurés par des visages de femmes aimées. Ce sont Lou Andreas Salomé, la maîtresse maternelle, le peintre Paula Becker-Modersohn, Clara Westhoff ou Baladine « Merline » Klossowska. On y croise la silhouette de Rodin, dont il fut le secrétaire quinze années plus tôt, mais aussi Cézanne et Baudelaire dont l’influence sur l’œuvre de Rilke fut décisive.

Écartant la face ombrageuse du poète qu’une épine de rose « tua » six années plus tard, on est ici transporté par l’allégresse et l’effervescence de la création. Si ce livre, chargé de références, s’adresse en particulier aux connaisseurs, le texte, par sa musique et ses images, tient d’une flânerie poétique saisissante.

Arnault Destal 

Béatrice Commengé, En Face du Jardin, Six jours dans la vie de Rainer Maria Rilke, Flammarion, janvier 2007, 201 pages, 18 euros

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