Elizabeth Prouvost et Claude Louis-Combet : Aux amants de la nuit

                   


Elizabeth Prouvost, Claude Louis-Combet, « Dérives », Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 104 p., 2014

 

Peuplé des sombres continents de ses deux créateurs (poésie en prose ou en vers de Louis-Combet, photographie d'Elizabeth Prouvost) "Dérives" possède un souffle visionnaire, il fait pleuvoir une multitude d’embryons visuels et poétiques dans des grouillements de pulsions. Fidèle à son art poétique l'auteur porte le sens et les sens jusqu'à ce qu'on peut prendre (à tord)  pour un excès au moment où la photographie impose sa dramaturgie et son rituel nocturne.


Dans les replis de ses muqueuses intimes le livre (dont le pré-texte est le Radeau de la Méduse de Géricault) n'est jamais exhibitionniste mais toujours vertigineux et radicalement nocturne. Une clameur infuse des racines les plus enfouies dissipe l’épaisseur de la nuit comme celle de la nostalgie. Néanmoins il arrive que l'homme voie encore "comme au sommet du ciel la fente maternelle" qui l'éblouit. Mais la photographe la couvre en rabattant sur elle un manteau de nuit.


Il n'empêche : le livre ouvre ses portes comme  s’ouvre un miroir. Ce qui s’exprime au-delà des paroles déchirées appartient à un déchainement visuel toujours retenu par  une étrange illumination. Elle assume exception et excès et une forme de solitude. L'écriture se fait nue et sauvage,  la photographie simple et complexe. Elles sont toutes deux de l’ordre d’un accomplissement rare. L'image devient la déesse nocturne qui exécute sans faille les prescriptions de son destin. La poésie l'amante qui trouve là sa tige et ne s’en sépare plus.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

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