Etienne Faure : portrait du poète en accroc bath

Paradoxalement et sous effet d’élargissement de l’espace Etienne Faure permet au lecteur de rentrer en soi, de s’y retrouver non dans le leurre et la dispersion de l’immensité mais dans une succession d’espaces précis.

Brisant la grammaire à la une manière d’un acrobate syntaxique l’auteur crée un tempo moins de voltige que de réflexion. Loin de toute nostalgie aussi : car même si l’arbre des souvenirs est secoué, le poète propose une forme aussi limpide que complexe.

S’y perçoit toujours un mystérieux tremblement qui rend sensibles des poids ou des légèretés. Elles nous sont parfois devenues étrangères au sein de la gravitation de notre espace quotidien ou dans l’avancée au milieu des forêts de nos songes, tantôt touffues tantôt déboisées.

Le poète y envisage des diagonales du fou. Elles déplacent bien des lignes. Toute une pulvérisation de l’intime prend forme dans cette écriture qui s’acharne - et réussit - à dire l’insaisissable, lot de tout vrai poème. Il devient le souffle loin des chagrins de Matisse.

S’y croise le monde des émotions perdues. Comparables à celles qui ont pu se découvrir pour le lecteur de cette chronique avec A nos amours de Pialat, les Souvenirs d’un mangeur d’opium anglais ou lorsque qu’une femme aimée se déshabille deux fois dans un rayon de soleil.

C’est une façon de suggérer ce qui se découvre à mesure que l’écriture comme la lecture avance. Le poème devient une manière de surligner ou aussi de cristalliser en peu de mots quelque chose, et pas forcément le sens, comme le punctum en photographie.
D’où l’occasion d’entraîner une seconde lecture d’un livre au titre aussi beau qu’énigmatique.


Jean-Paul Gavard-Perret

 

Etienne Faure, Tête en bas, Gallimard, mai 2018, 15 euros

 

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