Qui a-t-il de plus fort que l'amour ?

Existe-t-il lien plus fort que l’amour entre deux êtres ? On pourrait supposer que non. D’autant que ces deux-là semblent s’être trouvés au-delà des contingences. Des prévenances. Des obligations sociétales. Même laïque, la société syrienne conserve ses prérogatives. Les familles veillent à la virginité des jeunes filles… Mais Nora et Adam n’en ont cure. Ils s’aiment. Et rien ne pourra se dresser devant leur passion. Vœu pieu. Candeur de jeunes adultes. Car au-delà de l’emprise amoureuse, la loi d’airain des racines nationales prime. L’amour suprême de la terre. Du pays… D’autant plus qu’il est attaqué par des bandes de fous de Dieu. Personne n’est dupe en Syrie. Il n’y a qu’en Occident que l’on invente la révolte du peuple. La guerre civile quand ce sont des mercenaires venus de l’étranger qui ravagent villages et campagnes. Impriment la terreur en massacrant les populations.

Plutôt que de combattre des fantômes, Adam choisit de fuir en France. Il veut poursuivre ses études de médecine et parvient à s’inscrire à la faculté de Montpellier. Nora choisit de rester. Résister à sa manière en accompagnant son cinéaste de père. Témoigner par l’image. Montrer la réalité au-delà de la propagande occidentale. La cruauté des bandes rivales qui tuent au nom de Dieu… Adam croit qu’elle finira par le rejoindre. Trop triste pour vivre seul, il emménage avec Chloé. Mais les deux étudiants vivent chastement. Même si Chloé est folle amoureuse de lui. Elle semble attendre. Patienter. Jouer la montre…
Sauf que le souvenir de Nora est le plus fort. Puis Jad débarque en ville. L’ami d’enfance d’Adam. Porteur d’un message. Nora ne viendra pas… Jad qui ressemble à Adam et fait aussi tourner la tête de Chloé.

Jules et Jim version post 11-Septembre, ce roman souffle un air d’espoir sur une société irresponsable. Destins brisés et fantasmes de vies reconstruites se confrontent dans un réel désespérant. Les étudiants semblent aspirés par la folie contemporaine sans comprendre que la folie du monde est bien trop prégnante pour que quiconque puisse en échapper. Survivre deviendra bientôt le maître-mot de la population, ballottée entre les crises économiques et les guerres préventives. Le Venezuela succombera probablement au même stratagème que celui qui a mené la Syrie au bord du gouffre. Ainsi il en va de ces nuages qui se sont accumulés au-dessus de nos têtes.

Lilyane Beauquel parvient à conduire sa narration au rythme des protagonistes. Portés par un destin pervers ils brûlent de désir sans parvenir à comprendre ce qui les anime réellement. Enclins aux désespoirs ils compensent par des actes irréfléchis dans la violence du plaisir. L’intensité du dépassement. L’idée d’un possible. Comme si tout pouvait se résoudre d’un claquement de doigts à la manière de Marie Poppins.

Annabelle Hautecontre

Lilyane Beauquel, L’année des nuages, Gallimard, février 2019, 166 p. -, 16 €

 

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