Karine Tuil : accident de parcours

Devant les bonheurs perdus faut-il cacher ses larmes ? Le roman de Karine Tuil, à sa façon, y répond. Le journaliste héros du livre partage une double vie entre une jeune stagiaire, primo romancière, et sa femme, brillante essayiste. Et dans ce onzième de l'auteure, la famille se délite à la fois par le couple et son fruit.
S'ensuit une affaire médiatique terrible pour elle.

Cette famille de pouvoir et d'influence devient l'image d'une certaine société où un père reporte sur ses enfants ses rêves de réussite seule garantie pour lui d'échapper au risque de déclassement. Or le fils étudiant brillant chute suite au viol d'une jeune fille. Tout est forcément chambardé. Et Claire, l'épouse, va troquer son féminisme et ses codes pour d'autres valeurs : celles d'une mère.

Selon Karine Tuil la déflagration extrême reste non sans raison  le sexe et "sa combustion définitive". Il fait passer du plus grand plaisir à la douleur de destins fracassés par le passage à l'acte et sa complexité. Elle est toujours plus grande que ce que les chaînes d'information en leur contenu fallacieux feignent de présenter.

L'auteure se fait voyeuriste pour tenter de rendre justice à ses personnages et chacun à leur niveau. On n'est pas loin de l'affaire Weinstein – elle est d'ailleurs  là en plus qu'en filigrane pour compléter l'analyse les rapports hommes-femmes contenue dans la fiction.
Le texte par sa volonté béhaviouriste manque parfois de force tant il est obligé d'aplanir ce qui se voudrait ailleurs exponentiel et radical. Mais n'est-ce pas le seul moyen de parler des "choses humaines" (titre emprunté à Proust), à savoir les choses de la vie ? Elles restent souvent sans véritable réponse lorsqu'il s'agit surtout des liens entre les êtres et ce qu'ils peuvent engendrer.

Jean-Paul Gavard-Perret

Karine Tuil, Les choses humaines, Gallimard, Paris, août 2019, 352 p.-, 21 €
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