"Les amours de l'histoire de France" - Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie

LES AMOURS DE L'HISTOIRE DE FRANCEProfesseur à l’université de droit de Paris VIII et président de cette même université, Pierre Lunel a une activité éditoriale surprenante. Après avoir remué en 2007 le petit monde universitaire en publiant Fac, le grand merdier ? Pour en sortir : confidences d’un président d’université, il s’est fait biographe de l’abbé Pierre, de sœur Emmanuelle ou encore de Caligula. Après les poisons dans la Rome antique et les amours d’Hollywood, il récidive avec Les Amours de l’Histoire de France, un livre où l’amour et les femmes mènent le monde. Le premier tome d’une série s’intéressant à la sensualité dans l’Histoire de France.

Au temps et au bonheur des Dames

La couverture annonce la couleur : sur un fond rose, s’étale Diane de Poitiers en tenue d’Eve. De quoi attirer le regard et la curiosité du lecteur. Et je dois l’avouer je n’ai pas été déçue. Pierre Lunel a articulé ce premier tome autour de cinq femmes entre le XIVe et la fin du XVIe siècle. Chacune de ces femmes a marqué son temps et ses contemporains par l’amour qu’elles ont inspiré ou encore par leurs frasques.

Isabeau de Bavière d’abord, mariée à Charles VI, le roi fou. Cette beauté de l’époque a dû faire face à la folie de son mari et à la vindicte populaire qui lui reprochait ses infidélités supposées et sa politique en pleine guerre de cent ans.

Agnès Sorel fut la première favorite officielle du roi de France rejetant la reine dans l’ombre. Pendant six ans, elle a crée la mode inventant le décolleté épaules nues ou encore les robes bordées de fourrures. Politicienne habile, elle impose au roi, son entourage ce qui lui attire la haine du dauphin, Louis XI. Ce dernier la pourchassa, épée à la main. Cet acte lui valut d’être chassé de la cour et expédié dans le Dauphiné.

La troisième, Anne de Bretagne, a eu un destin peu commun. Unique héritière du duché de Bretagne, elle fut l’enjeu central dans les luttes d’influence qui vont aboutir après sa mort à l’union de la Bretagne au royaume de France. Son père avait cherché à obtenir une alliance permettant de renforcer sa position face au roi de France. Après sa mort, elle épouse par procuration Maximilien d’Autriche ce qui fait d’elle l’archiduchesse d’Autriche et la reine des Romains. Par ce mariage, elle enfreint le traité du Verger soumettant son mariage à l’autorisation du roi de France. Charles VIII assiège Rennes : il se solde par son mariage avec la duchesse de Bretagne. Une clause du contrat de mariage stipule qu’en cas de décès du roi et en l’absence d’héritier mâle, elle devra épouser le successeur de Charles VIII. A sa mort, elle épouse par conséquent Louis XII. Deux fois reine de France, Anne de Bretagne a essayé de changer les mœurs de la cour de France et d’en faire un espace de raffinement et de culture.

Ce premier tome s’achève sur la relation entretenue par François Ier et ses maîtresses. Anne de Pisselieu, Françoise de Foix et surtout Diane de Poitiers.

La description des mœurs et des amours des rois, reines et favorites est bien loin de ce que l’on enseigne dans les classes d’histoire ! Débauches, polissonneries et autre grivoiseries sont foison. Il faut bien avouer que le style de Pierre de Lunel change des récits souvent poussiéreux. Il donne vie à ces femmes qui, souvent dans l’ombre, ont influencé l’histoire de France. Il décrit ainsi la nuit de noces royales entre Charles le Fou et Isabeau : « Il pousse sa lance dans le pétiot de délectation, avec délicatesse… Elle pousse un petit cri à l’ébrèchement de son mur mitoyen ». Il faut avouer que cette écriture ne manque pas de piquant !

Un bémol pourtant. En tant qu’historienne, j’estime qu’il est regrettable que Pierre Lunel n’est pas joint une biographie des sources utilisées : cela remet en cause la version qu’il donne de ces amours de l’Histoire de France. Par conséquent, il faut prendre ce premier tome comme une version romancée des amours entretenus par nos rois de France. . 
 Par ailleurs, on peut se demander dans quelle mesure Pierre Lunel s'est inspiré, en le romançant, des nombreux travaux de Guy Breton, qui le premier a posé le postulat d'une histoire de France lisible par la galanterie, notamment dans son impressionnante somme Histoire d'amour de l'Histoire de France (2 tomes, Omnibus), à laquelle on se reportera toujours avec grand intérêt. La réponse est peut-être cachée dans l'absence de bibliographie du Lunel...
 
Julie Lecanu

 
 
Pierre Lunel,  Les amours de l'histoire de France, Editions Alphée - Jean-Paul Bertrand, mars 2010, 485 pages,21 €

 

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