"Mac-Mahon ou la gloire confisquée", Un excellent ouvrage sur l'honneur perdu d'un grand homme

Un excellent ouvrage sur l'honneur perdu d'un grand homme.
 
Le sabre et le goupillon

Sans être déterministe, on peut constater que Maurice de Mac-Mahon, descendant des 25000 Irlandais réfugiés en France au XVIIe s à la suite de la déchéance de la dynastie des Stuarts en Angleterre, est né le 13 juin 1808 entre le sabre de son père et le goupillon de sa mère. Entre l’esprit chevaleresque de son militaire de père et la charité non feinte de sa mère qui lui fait apprendre le nom et l’adresse des pauvres auxquels il apporte lui-même, petit garçon, les secours nécessaires, le futur président se décide pour une carrière militaire. Très bien placé à Saint-Cyr, il fait ses premières armes en Algérie, en 1830, lors de l’expédition décidée par Charles X. Très vite il se montre d’une bravoure sans faille qui lui vaut la Légion d’Honneur à 22 ans et bientôt le grade de capitaine.

« Ils sont 6000, vous êtes 300, vous voyez la partie est égale ! »

La conquête d’Alger est facile, les Turcs sont prestement culbutés et renvoyés chez eux par le maréchal de Bourmont. Après une brève hésitation née des Trois Glorieuses, Charles X est renversé et remplacé par Louis-Philippe Ier, Mac-Mahon resté légitimiste, finit par accepter le nouveau régime et son drapeau tricolore. Ce qui l’intéresse, c’est la guerre, et, il grenouille comme il le faut pour obtenir d’aller se battre en Algérie… Même s’il se retrouve sous le commandement d’un général, Bro, réputé pour sa nervosité après avoir reçu dix sept coups de sabre sur la tête à Waterloo (sic). L’Algérie est devenue une terre de guérilla où il faut chercher à soumettre les tribus arabes et kabyles. Ce n’est d’autant pas facile que le gouvernement français hésite sur la politique à mener : se contenter d’Alger ou avancer à l’intérieur des terres. L’ouvrage nous conte par le menu les opérations et les actes de bravoure répétés de Mac-Mahon qui se résument bien par le petit discours à la Cyrano qu’il adresse à ses Chasseurs et qui sert de titre au paragraphe. Le fin mot est qu’il réussit à se dégager avec ses hommes face à la horde qui le harcèle.

Une carrière au pas de charge

Il serait fastidieux ici de faire étape par étape toute la carrière de Mac-Mahon. Retenons la rapidité de ses promotions, général à 46 ans, maréchal peu après Magenta à 57… La plus grande partie de son parcours se déroule en Algérie. Ses chefs louent son courage (en plus il a la « baraka » c'est-à-dire la chance), sa loyauté, son intelligence d’administrateur. Il suit les aventures du Second Empire : la Crimée, l’Italie, se marie tard à une femme qui pourrait être sa fille et qui lui donne quatre enfants. 

En 1870, le maréchal est rappelé par un empereur malade. Ce dernier a du mal à diriger le pays qui est déchiré entre les factions, fumier traditionnel de toute cour, dont l’odeur étourdi le pays quand le chef n’est plus assez fort. Avec une légèreté vaniteuse et coupable, la France se jette dans la guerre contre les états allemands. L’empereur semble avoir un mauvais pressentiment, quelques généraux aussi, la plus grande masse croit dur comme fer à la victoire rapide de nos armées qui compenseront un flottement certain au point de vue technique par l’allant et le courage. Mac Mahon arrive dans ces circonstances, soldat « africain » égaré dans un contexte mal connu, soumis à une autorité confuse qui confond son caractère loyal. Dés le premier combat, malgré un courage fou, ni le maréchal, ni ses troupes ne réussissent à séduire la déesse de la victoire. Mac-Mahon est trop droit pour la violer cette déesse, comme l’aurait peut-être fait un général plus politique… Seule une blessure opportune permet au maréchal de ne pas signer l’acte de capitulation à Sedan.

Prisonnier, libéré, il prend le commandement des Versaillais chargés par Thiers d’écraser la Commune, ce qu’il fait avec le maximum d’humanité, interdisant toute exécution sommaire… Il montre à cette occasion le respect de son adversaire qui l’a accompagné toute sa vie.

Chevalier sans peur ou colonel de gendarmerie ?

En 1873, les parlementaires de la nouvelle Troisième République sont majoritairement royalistes mais divisés sur le roi à restaurer. Ils abattent Thiers et élisent, à son corps défendant, ce grand soldat dont les sentiments légitimistes n’ont jamais été cachés mais qui a toujours fait passer sa patrie avant tout et a toujours fidèlement servi les nombreux régimes qui se sont succédé. Le maréchal est devenu président de la République. Sous sa direction la France se redresse et les états étrangers ont de la considération pour lui. La restauration échoue de peu comme chacun le sait, sur une question de drapeau, notamment, le petit fils de Charles X refusant d’abandonner la bannière fleurdelisée. Mac-Mahon fait tout ce qui lui paraît conforme à l’honneur et à l’honnêteté pour favoriser la restauration. Il en arrive à froisser le prétendant principal, à propos du drapeau tricolore, jusqu’à se faire traiter de colonel de gendarmerie (de loin et après sinon il lui aurait cassé la gueule…). En 1879, ayant jeté toutes ses forces dans la bataille électorale, il ne parvient pas à faire reculer suffisamment le camp républicain et démissionne de la présidence. Jusqu’à sa mort, en 1893, il reste d’une discrétion inébranlable. L’empereur d’Allemagne et bien d’autres lui rendent un vibrant hommage en l’appelant « chevalier sans peur », « Bayard »…

Justice pour Mac-Mahon

L’auteur est un magistrat de formation, il se montre scrupuleux mais d’une précision qui nous épargne l’ennui : chaque étape, chaque combat est rapporté. Le contexte dans lequel évolue Mac-Mahon est décrit simplement et clairement. Il se réfère le plus souvent aux sources et se dédouane de toute hagiographie en laissant le bénéfice du doute à son « client ».

En effet, le grand soldat est souvent considéré comme un abruti intégral dans l’Histoire de France. François-Christian Semur s’emploie à dénoncer la légèreté des accusations, fondées sur des rumeurs, des propos déformés… Par surcroît, Mac-Mahon appartient au camp des vaincus qui ont, l’avez-vous remarqué, une furieuse tendance à être des crétins ; vaincu dans ses idées, vaincu à Sedan et vaincu à la présidence… Après une vie de gloire au service de la France. A une certaine époque déjà, l’homme de devoir, ce devoir qui ressemble tant au bonheur des autres disait Victor Hugo, l’homme loyal et honnête, celui qui n’a ni les mains, ni la tête politique, cet homme la, passe pour un idiot… L’auteur semble nous entraîner vers cette considération dernière. En somme, un vent de fraîcheur nous traverse à la lecture de cet ouvrage instructif et droit.   

Didier Paineau

François-Christian Semur, Mac-Mahon ou la gloire confisquée, Jean-Claude Gawsewitch, mai 2005, index, notes, bibliographie, pas de carte hélas, 490 p.- 27,00 €

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