" La Martinière, chirurgien de Louis XV"

Les éditions Perrin proposent une collection originale et utile : « les métiers de Versailles ». Après avoir présenté le jardinier de Louis XIV, puis son parfumeur, son intendant des plaisirs, la nourrice de Louis XV, voici le chirurgien de Louis XV.

La formation

Germain Pichault est né en 1697. C’est un Poitevin d’Argenton-les-Eglises. Il est fils de chirurgien. Son père et sa mère disparaissent rapidement. Comme le veut la tradition alors, il est placé chez son parrain ; excellent élève il devient apprenti chez le successeur de son père. En 1719, il est reçu maître chirurgien à l’issue d’un examen oral de plus de trois heures  à l’académie de médecine de Poitiers. Le jury est conquis par les talents remarquables du jeune homme et lui rappelle en lui accordant son diplôme qu’il n’est que le serviteur des médecins  et ne doit en aucun cas exercer la médecine. Ce serment est aussi vite oublié qu’il est prêté… Germain pratique son art et la médecine allègrement. La population ne s’y trompe pas, les médecins, gonflés de formules latines, répugnent à toucher les malades, et les chirurgiens sont bien plus compétents pour soigner les patients. En plus le chirurgien est bien plus abordable, ses tarifs sont raisonnables et les médecins ne pratiquent pas en milieu rural.

L’ascension et le sommet

Le patron de Germain ne cherche pas à le retenir quand, sûr de son talent, il aspire à « voir du pays ». Il sollicite la duchesse de La Trémoïlle. Elle le recommande par lettre à Charles de Lorraine, grand écuyer de France. Germain part à pied en mars 1721. La chance le sert. Le jour de sa présentation, Charles souffre d’une articulation à la suite d’une chute de cheval. En un tournemain, Germain lui fait une attèle qui le soulage instantanément. Et c’est parti pour une grande carrière ! Cela semble simple comme un conte de fée. La protection des grands personnages n’est pas un vain mot. Les rapports entre maître et serviteur sont francs et courtois car chacun sait où est sa place. L’amitié naît entre les deux hommes et ne se démentira jamais ? Au point que Germain sera l’exécuteur testamentaire de Charles de Lorraine en 1753. Germain Pichault devient Germain de La Martinière quand il hérite de la ferme de son grand père en 1724. Il adopte également le blason de son père. Quand un grand personnage lui demande s’ils  ne sont pas parents, Germain avoue, rougissant, le subterfuge et s’attire la réplique bonhomme suivante : « Qui ne cherche à s’anoblir maintenant ? Soyez seulement attentif à toujours être digne de ce nom ! » L’ascension de La Martinière se poursuit grâce au soutien indéfectible du prince Charles. Il l’aide à acheter la charge de chirurgien du roi en 1728. Il entre ainsi dans la véritable armée médicale qui entoure les grands personnages de la Cour. Un chirurgien doit être constamment dans l’entourage des Grands, dans toutes les circonstances, il doit simplement ne pas oublier sa position inférieure même. Ses revenus sont plus que confortables. Germain part aux armées et montre le même dévouement envers les soldats que les officiers. Cela lui vaut la reconnaissance du roi. Il y voit les carences graves du système de santé. En 1745 il devient chirurgien du Dauphin et deux ans plus tard premier chirurgien du roi. Sa position lui permet de devenir intime du roi. On se soutient dans les malheurs de la vie. Le roi discute librement dans son appartement privé, ne retenant ses convives qui tiennent des propos licencieux que par un tonitruant « Messieurs, le roi ! ». En 1749 Germain est anobli. Il assistera Louis XV dans ses derniers moments, le roi l’embrasse sur le front en l’appelant « « mon ami ». Germain restera le premier chirurgien du roi, mais il perdu deux amis le roi et le Dauphin, ce ne sera plus la même chose. Germain s’éteint le 17 octobre 1783.

La Gloire

La Martinière n’aura pas été un chirurgien ordinaire. Son dévouement a été total et son intérêt toujours soumis au progrès d’un métier qu’il adorait. Bien avant le fameux Larrey, il aura fait progresser son métier en le soustrayant à la tyrannie des médecins. En 1770 il obtient  que le premier chirurgien devienne  l’égal du premier médecin du roi. Il contribue à créer l’académie royale de chirurgie et à lui donner l’honneur de l’université. Cet ouvrage, bien écrit, est un hommage touchant écrit par un chirurgien, fils et petit fils de chirurgiens. Outre la sympathie que l’on éprouve envers la qualité du personnage, on peut constater encore une fois une chose souvent ignorée par la masse des gens : la mobilité sociale certaine de l’Ancien Régime. A lire avec plaisir.


Didier Paineau


François Iselin, La Martinière, chirurgien de Louis XV, Perrin, « les métiers de Versailles », 203 pages, septembre 2010, cahier photos, chronologie, index, 19,90 € 

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