Bernard Lecomte dévoile "Les Secrets du Vatican"

Un spécialiste de la vulgarisation ?

Les journalistes nous proposent souvent des titres ronflants. Leur contenu, sans être totalement décevant, n’est pas à la hauteur de l’effet d’annonce. Bernard Lecomte nous en donne un exemple dans ce titre : Les Secrets du Vatican paru chez Perrin en 2009 et en « Tempus » aujourd’hui.  Certes, les titres universitaires de l’auteur sont irréprochables, son activité journalistique prestigieuse, mais bon… L’ouvrage passe simplement en revue les grandes affaires qui ont agité la tête de l’Eglise au XXe siècle.

Le pape et 1917…

On commence par la papauté qui tente de profiter de la révolution russe, pour défendre et étendre son influence que l’orthodoxie lui a refusée (vieux combat non évoqué par l’auteur). Elle prend le temps de réaliser que le nouveau régime de Lénine lui est hostile, soit.

Latran…

On continue par la grande difficulté que l’Eglise a eue à renoncer au territoire que les rois francs lui avaient garantis dans la continuation de la première donation de l’empereur Constantin au IVe siècle. En effet, à la faveur de l’unité italienne, puis de la guerre franco-allemande de 1870-71, le pape se trouve enfermé dans le quartier du Vatican…. Il ne renonce pas à ses terres. Cette question empoisonne les rapports entre lui et l’état italien, poussant les catholiques en dehors de la vie politique de leur propre pays. Le rapprochement s’opère avec Mussolini qui signe les accords de Latran en 1929. C’est lui qui suggère, au passage, le nom de « Cité du Vatican ». L’Etat, petit, est doté d’une personnalité juridique, il est souverain. Le crucifix est remis à l’école comme l’enseignement religieux. Tout le monde est content, youpi.

Latrines…

On bavarde sur la  prétendue « presque » condamnation de  l’antisémitisme et du racisme par le pape. Pouvait-on être plus clair ? Le futur Pie XII participe largement aux assauts spirituels de Pie XI contre le communisme et le nazisme, il les assume et y est fidèle à son tour, affaire réglée. Ce n’est pas presque, c’est spi-ri-tu-el ! La force mécanique échappe au Vatican, comme le soulignait, avec mépris, le camarade Staline. L’auteur, il est vrai, prend soin de souligner combien le pape a été le sauveur de la communauté juive de Rome, combien, aussi, les cris du chef de l’Eglise hollandaise ont contribué à davantage de morts (catholiques par représailles) encore ! On se confronte à l’ «affreux devoir du silence» pour préserver d’autres vies. Bien, pff, c’est quand les secrets ?

Lettrines associées…

L’affaire Finaly… Deux enfants juifs, orphelins du fait des nazis, sauvés de la déportation  par des Catholiques  qui ne veulent pas les rendre à des tantes inconnues, car ils ont été baptisés.  La dame qui les a recueillis s’est trop impliquée. On les cache. Pie XII regrette le baptême, mais ce qui est fait est fait, un baptisé doit être élevé selon la « Religion Révélée », c’est  logique. Le Congrès Juif Mondial finance une campagne « médiatique » contre les abus de l’Eglise ;  une seconde affaire Dreyfus, dit-on… Une aventure pour le moins rocambolesque, les enfants cessent de dire « maman » pour, de France en Espagne, de Charybde en Sylla, aller en Israël  et vivre une nouvelle vie, à l’été 1953.

On enchaîne sur les prêtres-ouvriers, dont le sacerdoce se dévoie, selon le pape. Il ne faut pas mélanger les genres, surtout que des prêtres s’écroulent en CGT. On les mate brutalement en 1953 comme les  Dominicains qui les soutenaient. Le futur Paul VI remettra la mission ouvrière au goût du jour (1965).

On s’égare en Vatican II pour aboutir au constat qu’il y a des « modernistes » et des « conservateurs », ce qui est  sans intérêt, faute d’approfondissement; les conservateurs mettent du sable dans  la « machine folle »  des modernistes, le « scoupe ». On s’ennuie sur la pilule contraceptive que l’Eglise étudie, pour la rejeter au nom de la dignité humaine. On peine à jouir sur Monseigneur Lefebvre le vilain « tradi » de service, l’Opus Dei sans arrière-pensée (sic) et le troisième secret de Fatima sans alcool. Ignace est mort, vivent les Jésuites ? Le mariage de la chèvre et  du chou dans un ragoût peu sapide.  Mais où sont les secrets du titre ? La mort du pape Jean-Paul 1er, la filière (bidon) du bulgaroïde KGB,  quant à l’attentat de 1981 contre Jean-Paul II ? Le boche suspect Benoît XVI… Allez, il n’y a que le suaire de Turin qui retient un peu l’attention,  parce que son rejet heurterait le bon sens….

Trop ou trop peu ; pour la vulgarisation, il faut présenter Les logiques qui ne sont pas imbéciles…  Entre l’instruction et la polémique, le livre est assez décevant d’autant plus qu’il comporte des erreurs historiques, comme de parler du STO en 1941 ou d’Israël avant 1948… Léon Bloy dirait peut-être que le veau se console par l’or de n’être le taureau.

Didier Paineau

Bernard Lecomte,  Les Secrets du Vatican, Perrin, « Tempus », février 2011, 387 pages, 9,50 €

> Lire un autre point de vue sur le travail de Bernard Lecomte

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