Avant le déluge, Belleville années 50 par Henri Raczymow

Henri Raczymow à l'art de conter les choses simples de la vie avec simplicité et bonheur, et ces récits sont autant de petits voyages intérieurs. Le denier en date ne déroge pas et s'attache à la relation d'un petit parigot et de son grand-père.

Deux mondes s'opposent dans les souvenirs d'Henri Raczymow : celui de l'enfance merveilleuse et celui du temps du récit qui marque par une certaine nostalgie cette enfance révolue. Et deux modes s'opposent encore plus, l'enfant - petit parisien qui vit avec son temps -, et son grand-père, vieux frippier juif encore marqué par sa naissance polonaise. Le petit est heureux, insouciant, promené dans un univers presque pauvre avec les figures de proue que sont la grand-mère (véritable femme-machine dadaïste rivée à sa machine à coudre), le grand-père qui l'encanaille gentiment dans les bistrots de Belleville, et le petit peuple de ce quartier d'avant la sinisation frénétique, quand s'y trouvait l'âme du vieux Paris.

Ce fut comme une apparition

C'est la rencontre d'un voisin de Belleville en colonie de vacances, cette amitié virile qui se crée quand chacun découvrent sa masculinité, qui crée le choc : de retour, les deux enfants se découvrent voisins à deux rues l'un de l'autre mais entre le monde qu'ils se sont forgés et celui que représente le vieux Szymon Dawidowicz, grand-père de l'auteur, c'est un fossé d'incrédulité qui sépare les deux petits amis et fait se retourner l'auteur sur ce vieux bonhomme dont, jusqu'alors, toutes les facéties lui étaient naturelles. Mais voilà, un tiers est venu imposer un nouveau référent. Alors, le déluge, c'est ce fracas du moderne contre lequel toute la nostalgie du coeur ne pourra qu'opposer un témoignage ému : la fin du monde de l'enfance dont l'adulte devenu écrivain garde, au fond de lui, le meilleur.

Avant le déluge, Belleville années 50 est un ouvrage sensible et drôle (le style parigot du petit narrateur notamment emporte d'adhésion immédiate) qui peut aller jusqu'à la procurer joie au lecteur. Les illustrations, issues des archives familliales pour la plupart, complètent la réussite de ce bel ouvrage, entre souvenir et promenade, flânerie donc dans le temps et les vieilles rue de Paris.

Loïc Di Stefano

Henri Raczymow, Phileas Fogg, "flâneries", mars 2005, 75 pages, illustrations N&B, 19,50 euros
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