Jacques Cauda Serial Killer

Longtemps le narrateur a voulu ressembler à Watteau plutôt que, telle une Marquise, sortir à 17 heures. Les voiles gonflées de son importance il s'efforce de fuir sa jeunesse dans cette figure célèbre tout en soignant quelques atours à la mode du temps : poignets de force hérissés de clous à têtes, lunettes octogonales et chaussures de parachutiste en cuir noir. Si bien qu'il fait sensation au moins auprès de ses deux potes Petit Muscle et Saucisson.

Ainsi git en Gilles un phenix car il se croit tel. Il tape l'incruste là où il se sent mieux que chez lui. Voilà les trois zigomards devenus Black block avant la lettre et bad boys idoines avides de cocktails dont le Molotov garde la juste place.

Les membres du trio plutôt que s'estimer Mousquetaires se veulent Robespierre, Fouquier Tinville et Saint-Just - moins donc marxistes que révolution française. Bon peintre le héros samuse à croquer sur des affiches  Staline,Trotski et Mao en "grosses tarlouzes". Ce qui n'était bon ni pour le léninisme ni pour lutter contre l'homophobie.

Trônant dans sa blancheur éclatante notre Gilles de raie parade tout en rêvant de sa première des femmes : Sonia, blonde, des yeux de chatte d’un vert précieux, des seins magnifiques, des jambes interminables, un cul suivi de trois points d’exclamation.  Elle reste insensible à sa bave de puceau mais  suffit  à ses fantasmes jusqu'au soir de presque Noël que l'auteur décrit de manière flouté comme certains plans chez Renoir ou chez Vermeer. Après  que la donzelle se soit exhibée nue et que sa paire de collants fumés serpente à ses côtés, s'ensuit ce que vous pensez mais que nous éviterons de rappeler en fidélité à l'Abbé de Pure cité par le narrateur : "L’esprit du sexe n’est pas grand causeur sur les désirs.

Le temps a beau passé, certains souvenirs demeurent comme Kierkegaard l'a défini par le concept du ressouvenir en avant. Cauda le reprend sans utiliser le Christ pour argument. Dans des parties de rugby particulières bie des mandales vont pleuvoir  : l'histoire empire - et c'est normal car la révolution se termine. Façon d'abord Robert Mitchum, Rin Tin Tin et pêche à la crevette. Mais tout finit en road movie sanguinaire. L'auteur y excelle. Il y a des seins tranchés et des jambes écorchées sur des gazons que les chenapans ne maudissent pas forcément.

En avant la jouissaille : mère la morte n'a qu'à bien mater sans se retenir de rire. Tout devient en fer et d'enfer. Âmes sensibles s'abstenir. Entre scie électrique et botte à nique, chatte blatte / cils scellent. Gilles n'est plus ici. Il a troqué son costume d'ange pour un tablier de boucher. Le rouge est mis.
On flaire, épluche, pétrit, desquame. Tout colle aux quintes de toux plus qu'aux symptômes. Bref l'érotisme est dans de beaux draps - du moins ce qu'il en reste en cette histoire. Entre autres avec O dont la rupture ressembla à une assiette en carton qui vous tombe des mains. Trop tard pourtant pour un come back. Et ça déconfine dans l'Apocalypse. Saint Ignace de Loyola appelé à la rescousse et évoqué dans ses plus belles pages ne change rien aux trépas et autres crucifixions de presque usage. Cauda reste un killer. Et qui plus est Serial.


Jean-Paul Gavard-Perret


Jacques Cauda, Fête la mort, éditions Sans Crispation, septembre 2020, 144 p.- 16 €

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1 commentaire

Lien toujours défectueux selon Jacques Cauda qui n'arrive pas à voir et ouvrir l'article.