"Léviathan" - Un bon roman d'histoire alternative

LEVIATHANScott Westerfeld a plusieurs cordes à son arc : compositeur de musique électronique, concepteur multimédia, critique littéraire, il est aussi l’auteur de cinq romans se science-fiction pour adulte, d’un space opéra et de plusieurs séries destinées aux adolescents. C’est en alliant sa connaissance de la SF et son goût pour les essais scientifiques qu’il a conçu Leviathan, le premier opus de sa nouvelle trilogie. Un roman jeunesse de qualité qui a reçu le prix du meilleur roman pour jeunes adultes décernés par les lecteurs du mensuel américain de science-fiction Locus en juillet dernier.

À l’aube de la Première Guerre mondiale, l’Europe est divisée en deux camps : d’un côté, les darwinistes (France et Grande Bretagne) adeptes du tout biologique manipulant « les fils de vie » pour répondre à leurs besoins. De l’autre, les clankers (Allemagne et l’Autriche) dont la puissance repose sur l’ultra- mécanisation. La guerre éclate avec l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand d’Autriche. Alek, son fils, est également menacé et il ne doit sa survie qu’à sa fuite organisée de longue date par son père. Poursuivi par sa propre famille, il trouve refuge en Suisse. Pendant ce temps, en Angleterre, la jeune Deryn Sharp se travestit en homme et prend le nom de Dylan pour intégrer l’Air Service. Après un premier vol aérien mouvementé qui lui fait traverser la moitié du pays accroché à un Huxley, créature darwiniste inspiré de la méduse, elle intègre l’équipage du Léviathan, une baleine volante équipée de faucons bombardiers et de chauves souris tirant des fléchettes. Alors qu’il fait route vers Constantinople avec à son bord une mystérieuse cargaison et une biologiste de renom, le Léviathan est attaqué et s’écrase à proximité du refuge d’Alek. Après une rencontre explosive, Alek et Deryn vont devoir faire front pour échapper aux menaces qui les guettent.

Léviathan est la preuve que les adolescents ont la possibilité de lire des romans de science fiction de qualité et il n’est pas étonnant que ce premier opus ait été récompensé. En s’attaquant au steampunk, genre souvent qualifié de désuet, Scott Westerfeld a pris un risque qui se révèle payant. Il insère avec simplicité et élégance des anachronismes, y mêlant humour et clins d’œil à l’un des pères fondateurs du roman d’aventures extraordinaires, Jules Verne. Les descriptions sont réduites au strict minimum pour permettre de planter le décor d’une histoire alternative. Les illustrations de Keith Thompson, s’inspirant de Robida, contribuent à nous plonger dans cette ambiance à la Jules Verne mêlant aventure et science fiction.

Si l’auteur introduit des anachronismes, comme le veut le genre, il s’appuie aussi sur une base historique solide : l’archiduc François Ferdinand réalisa effectivement une mésalliance en épousant Sophie Chotek. Ils n’eurent jamais de fils prénommé Aleksandar mais trois enfants, Sophie, Maximilien et Ernest. Tout comme Alek dans le roman, aucun d’eux ne pouvait prétendre au trône à cause du rang de leur mère. La théorie développée dans le roman selon laquelle leur assassinat aurait été commandité par le gouvernement allemand, soit pour déclencher la guerre soit parce que l’archiduc était jugé trop favorable à la paix, repose sur des rumeurs ayant circulé à l’époque.

Au final ce roman traite d’un passé alternatif mais aussi d’un avenir possible : comme l’exprime l’auteur dans sa postface, un monde où « les machines ressembleront à des êtres vivants et où il sera possible de fabriquer des êtres vivants comme on assemble des machines ». Tout l’intérêt d’un genre, le steampunk, qui mêle l’avenir et le passé. Le deuxième opus de cette trilogie, Béhémot, sortira en septembre 2011. Un deuxième tome que nous attendons avec impatience.

Julie Lecanu

 

Scott Westerfelf traduit de l'Anglais par Guillaume Fournier,  Léviathan, Pocket Jeunesse, septembre 2010, 441 pages, 19 €

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