Écrits spirituels du Moyen Âge

Quatre parties principales construisent ce recueil : Les classiques de la spiritualité (Anselme de Cantorbéry et Bernard de Clairvaux), L’école du cloître (Hugues de Saint-Victor, Guillaume de Saint-Thierry, Bernard de Clairvaux, Richard de Saint-Victor, Guigues II le Chartreux), Une spiritualité pour tous (Bonaventure, Thomas d’Aquin, Henri Suso, Jean Gerson) et enfin L’âge de la "Devotio moderna" (Thomas A. Kempis, Denys le Chartreux, Jean Mombaer).
Ils ont été retenus selon les listes de l’époque d’œuvres spirituelles en langue latine qui furent recommandées aux religieux et aux laïcs de l’époque par sept auteurs médiévaux. On saluera le choix éditorial de privilégier la lisibilité du texte français plutôt que la fidélité absolue au latin. De même l’idée de ce livre. Il est toujours courageux d’aller à contre-sens. Car l’imaginaire collectif a trop tendance à faire croire que l’Occident dénie la spiritualité. Comme si l’esprit grec aurait trop irradié. Laissant la terre brûlée indifférente aux esprits numériques et consuméristes. Et qu’il faille aller vers l’Orient pour se laver l’âme… Ridicule. Quoique le divorce culturel entre rationalité et inspiration se confirme dans la désaffection des peuples pour les confessions chrétiennes au profit de Facebook et du coach en développement personnel. Ou à tomber dans l’extrême avec les suprématistes blancs aux USA. Et si cela ne datait pas d’aujourd’hui ?
La spiritualité médiévale n’échappe pas à cette évolution lente mais pérenne. Un effacement magistral de tout un pan de la culture occidentale. Pour remonter le temps et combattre cette amnésie, ce volume de la Pléiade entend faire lire de nouveau en français les chefs-d’œuvre de la spiritualité médiévale de langue latine.

Ce recueil rend compte d’un mouvement historique propre au Moyen Age. En propageant par l’écrit divers exercices (lecture, méditation, prière, contemplation), les auteurs ont inventé la spiritualité comprise comme un art complet de l’intériorité. Il s’agit ici d’une manière de reconnaître la présence d’une transcendance dans l’intimité humaine. Et d’y cultiver l’introspection par la lecture.

De nombreux hommes savent de nombreuses choses et s’ignorent eux-mêmes. Ils examinent et se négligent eux-mêmes. Ils cherchent Dieu dans les choses extérieures en négligeant leur intériorité où Dieu se trouve de manière plus intime. C’est pourquoi je dois revenir de l’extériorité à l’intériorité et monter de bas en haut pour savoir d’où je viens et où je vais, qui je suis et d’où je suis issu, car cette connaissance de moi-même me permettra de parvenir à la connaissance de Dieu.
Bernard de Clairvaux, XIIe siècle

Ainsi, en lisant, en écrivant, ces auteurs passés nous rapportent-ils la visite de Dieu. Et de cette rencontre intérieure découle une authentique forme d’exégèse. Car le but de l’herméneutique biblique est de faire advenir dans l’âme les mystères que recèle la lettre biblique. Mais pour cela, le lecteur devra faire face à Dieu. Accepter ce signifié omniscient. Accepter cet interlocuteur. Accepter sa présence… Mais on peut très bien le lire sans tomber dans une lecture confessante. Le retour sur l’avant-scène des anthologies spirituelles des siècles passés ne doit pas exclure des lecteurs modernes.
Le choix, ici, s’appuie sur des œuvres ayant connu un succès durable. En s’étant inscrits profondément dans la littérature occidentale. Ainsi ce livre ouvre-t-il une voie d’approche au-delà de la simple adhésion, ou de la suspension agnostique. Même les laïcs peuvent lire ces textes. Au contraire ! car certaines questions spirituelles qui animent ces textes sont toujours d’actualité.
Le lecteur sera certainement sensible au charme poétique de leur prose. Touchant, par leur profondeur et leur expressivité, à l’universel. Ces écrits ont traversé les époques en façonnant l’imaginaire et les mentalités.
Cette beauté ne peut alors qu’inspirer encore plusieurs générations…

Annabelle Hautecontre

Écrits spirituels du Moyen Âge, édition établie par Cédric Giraud, Gallimard, coll. "La Pléiade, n°643", octobre 2019, 1264 p.-, 58 € jusqu’au 31 mars 2020 puis 63 €
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