Céline (1894-1961), auteur de Voyage au bout de la nuit a révolutionné la littérature française. Il est controversé pour ses violents pamphlets antisémites. Biographie de Louis-Ferdinand Céline

Céline las de guerre

En guise de prologue à la publication des manuscrits récemment retrouvés et dont la parution est annoncée chez Gallimard pour cette année, parait en premier lieu La Guerre. Ce texte était contenu dans une liasse de deux cent cinquante feuillets. Il s'agit  d'un véritable roman dont l’action se situe dans les Flandres durant la Grande Guerre.
Avec ce manuscrit de premier jet, écrit quelque deux ans après la parution de Voyage au bout de la nuit (1932), une pièce capitale de l’œuvre est révélée. Entre récit autobiographique et œuvre d’imagination, Céline évoque le traumatisme physique et moral du front, dans l’abattoir international en folie. Cet épisode est essentiel dans le corpus célinien.

Le roman évoque la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où, gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu’à son départ pour Londres. À l’hôpital il devient l'objet et le sujets es attentions d’une infirmière qui n'a pas froid aux yeux. Avec elle, s’étant lié d’amitié au souteneur Bébert, il trompe la grande mort par la petite et s’affranchit du destin qui lui était jusqu’alors promis.
Mais c'est pour le narrateur-auteur le moment de la désillusion et de la prise de conscience. Il apparaît ici de la manière la plus fractale et laisse deviner ce que jusque là Céline n'avait écrit. Et pour Céline, vingt ans après le passé de la guerre revient  et prend des petites mélodies en route qu'on lui demandait pas.
Mais il reste tonitruant car à jamais inoubliable dans son carnage.

Le haut et le bas, le dehors et le dedans, se confondent à jamais. Il est un instant, justement, où, suspendu, on ne sait plus où finit l’un, où commence l’autre. Le roman Parfois sert de miroir et Céline face à ce qui fut et demeure n’autorise pas d’autres intrus. Tout est encombré de mort et de vie dans les zébrures du langage comme traces du soleil enfui derrière les tranchées et bien d'autres murs.

Un pas de plus est franchi dans l'œuvre grâce à un tel roman avec ses toussaints révulsées, ses nécropoles, ses frissons de fourmis humaines au bord du gouffre et sacrifiées comme pour l'exemple par des politiciens et généraux qui se voulurent coupeurs d'églantine. Les poilus le payèrent de leur vie tandis que les premiers trouvèrent dans cette boucherie  guerre plus qu'une dérision téméraire plus que nécessaire.

Dans cette abomination tant d'existences se trouvèrent écaillées ou anéanties au nom d'étincelles de feu dans leur carcasse dont les bourreaux n'étaient pas forcément dans les lignes d'en face. Quant aux survivants ils étaient déjà entrain de subir une sorte d'outre-vie caduque que le roman s'obstine à sonder en s'affranchissant de toute obligation humaniste et où certaines bougresses se taille la part du lion – ou de la lionne.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

Louis-Ferdinand Céline, Guerre, édition de Pascal Fouché, évant-propos de François Gibault, Gallimard, avril 2022, 192 p.-, 19 €

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