Gilles Deleuze : peinture et catastrophe

Dans ces huit cours du début des années 1980, pour Deleuze l'essentiel ne tient pas à la possibilité que la peinture ait quelque chose à apporter à la philosophie mais ce que la philosophie peut attendre de la peinture et que seule elle peut lui donner.
Il s'agit en particulier de voir quel rapport la peinture entretient-elle avec la catastrophe et chaos. Mais aussi de comprendre comment conjurer la grisaille (Klee) en abordant la couleur, de comprendre aussi ce qu'est une ligne sans contour, un plan, un espace optique pur, un régime de couleur.
Partant autant de l'espace égyptien et grec, des textes de J-J Rousseau ou de Klee et en passant par les œuvres de Cézanne, Van Gogh, Michel-Ange, Turner, Klee, Pollock, Mondrian, Bacon, Delacroix, Gauguin ou le Caravage, Deleuze convoque des concepts philosophiques tels que diagramme, code, digital et analogique, modulation pour les renouveler et bouleverser la compréhension de l’activité créatrice en arts plastiques.
Le philosophe reforme des concepts qui sont en rapport direct avec la peinture, et avec la peinture seulement car ici la référence à elle devient essentielle en son rapport avec les notions de chaos et de catastrophe. Se fondant pour cela sur des peintres d'une époque relativement récente (Turner, Cézanne, Van Gogh, Paul Klee et Bacon) il montre comment ces maîtres ont peint une catastrophe. Des tableaux d’avalanche, tableaux de tempête, etc. pour généraliser des espèces d'espaces de déséquilibre, de choses qui tombent, de chutes.
Et ce car selon lui la peinture est toujours l'histoire de tels mouvements. En effet si un tableau est toujours une composition, ce terme n'est là que pour qualifier une désagrégation qu'il définit comme le point de chute, un verre dont on dirait qu’il va se renverser, un rideau dont on dirait qu’il va retomber. C'est donc là le paradoxe qui court en ces huit séances qui ne cesse de remettre en cause la vision de la peinture devenant un principe de déséquilibre généralisé.
Jean-Paul Gavard-Perret
Gilles Deleuze, Sur la peinture, édition préparée par David Lapoujade, Minuit, septembre 2023, 352 p.-, 26€
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